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d’enthousiasme ; cet homme calme et pieux, qui n’a jamais touché qu’aux choses honnêtes de la vie, exaltant l’amour, respectant le mariage et la famille ; ce poète du pauvre et de l’affligé qui s’installe de préférence sous le chaume le plus obscur ; ce convive qui, par un soir d’hiver, lorsque le vent siffle dans les bruyères, vient à travers les champs couverts de neige frapper à la porte d’un maître d’école de village et célébrer la nuit de Noël avec ses enfans : c’est Jean-Paul.

Notre but ne peut être en ce moment de faire connaître à fond Jean-Paul ; soixante volumes ne se racontent pas en quelques pages. Un génie si luxuriant, si multiple, si éminemment original dans sa fécondité inépuisable, un talent si varié, si riche, si fantasque en ses mille boutades, réclament des études qui nous entraîneraient au-delà des bornes que nous nous sommes prescrites. Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est tout simplement entreprendre un petit voyage de Wunsiedel à Baireuth, de son berceau à sa tombe. La distance n’est pas longue, il suffit de quelques milles pour la mesurer. D’ailleurs Jean-Paul marchera de compagnie avec nous ; pas à pas nous suivrons sa trace dans ces petits villages, sur le haut de ces montagnes, au fond de ces vallées riantes qu’il aimait tant, et que son ame errante dans le bleu de l’air habite encore. — Partons, et si chemin faisant, parmi les bruyères des collines ou les clochettes de la prairie, au tournant d’une haie ou sur le bord d’un frais ruisseau que des fleurs et des enfans égaient, nous rencontrons une de ces pensées charmantes que sa mélancolie semait partout, recueillons-la comme de jeunes botanistes en campagne font d’une plante curieuse.

Wunsiedel, ou plutôt Wonsiedel, comme l’écrit Jean-Paul, est une petite ville de la Bavière septentrionale située au pied de la chaîne du Fichtelgebirg, à quelques lieues de Baireuth. Des coteaux bariolés çà et là de champs fertiles, entourant d’un cercle étroit, — couronné de feuillages épais, — la ville toute blanche, toute neuve et proprette, qui, non contente de sa ceinture verte, épanouit dans ses rues et sur ses places les plus gais jardins d’acacias et de tilleuls ; une source vive jaillissant du rocher et qui met en branle toute sorte de roues et de machines : en voilà bien assez pour l’agréable ; quant à l’imposant, il a pour lui le Fichtelgebirg, dont les sombres pics s’élèvent au-dessus des collines prochaines dans les vapeurs de l’horizon. Jean-Paul naquit à Wonsiedel, de l’organiste Jean-Christian Richter et de Sophie-Rosine, fille du drapier Jean-Paul Kuhn. Laissons-le raconter lui-même sa naissance, et ne nous effrayons pas tout d’abord de ce style baroque, alambi-