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JEAN-PAUL RICHTER.

alors, elle a subi sa période de gloire, de transformation ; les couronnes dont le temps a semé ces marbres, les voiles épais dont il les enveloppe, nous empêchent de voir ce je ne sais quoi de hideux, ce ramassis d’ossemens et de poussière, dont l’idée nous glace et nous attriste lorsqu’il s’agit d’un être que nous avons aimé ou seulement connu. — Jean-Paul repose là, juste à côté de son fils, qui l’avait précédé de quelques années. Tous deux dorment sous le même sol ; un acacia, qui date vraisemblablement de la mort du fils, couvre de son ombre les deux cercueils, dont un tertre de gazon vert indique la place. À l’entour, on voit un jardinet, où croissent çà et là quelques rosiers d’assez chétive apparence, et qu’une haie de tournesols enferme. Le fossoyeur nous dit qu’on s’occupait d’un monument : c’étaient des fleurs qu’il fallait lui donner : Manibus lilia plenis ; jamais le vers du poète latin n’eut une application plus légitime : des fleurs à lui qui les aimait tant, à lui qui, sur le froid sépulcre de la terre, est venu élever comme un Himalaya de fleurs dont la cime plonge jusque dans les espaces de l’éternité !

Notre pèlerinage était achevé. Partis de son berceau, nous avions touché sa tombe. Le terme une fois atteint, notre petit groupe se dispersa, celui-ci pour aller rejoindre les jeunes princes de Saxe-Altenburg, celui-là pour retourner bien vite à ses chères études de botanique, et moi, resté seul, je profitai du sentiment où je me trouvais pour lire Jean-Paul et le relire, et m’aventurer aussi loin que possible à travers le chaos souvent sublime de cette imagination incomparable. Des études que je fis alors résultèrent pour moi certaines impressions que j’essaierai de reproduire dans un prochain article, où, mettant de côté toute partie biographique et pittoresque, j’aurai à tâche de ne plus m’occuper que de l’écrivain.


Henri Blaze.