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merce des pertes réelles que l’altération des monnaies lui fait toujours subir, mais encore rétablir chez lui la sécurité, la confiance, que la seule crainte d’une altération possible pouvait incessamment troubler. Par là les banques dotaient en effet les villes qui les possédaient d’une sorte de crédit relatif bien supérieur à celui dont on jouissait ailleurs. L’avantage qu’elles offraient d’effectuer tous les paiemens à l’aide d’un simple transfert commode et facile n’était pas lui-même sans importance. En ce sens, elles contribuèrent puissamment à fixer et à accroître dans ces villes le mouvement des affaires qui s’y portait d’ailleurs. Mais, dans la suite, quand la déplorable ressource de l’altération des monnaies fut abandonnée par tous les gouvernemens de l’Europe, l’utilité de ces banques diminua ; dans l’état actuel des relations et des besoins, elle se ferait médiocrement sentir.

En 1668, on établit à Stockholm une banque d’un autre genre, qui paraît avoir été le modèle des banques territoriales propagées depuis dans le nord de l’Europe ; mais c’est vraiment à l’époque de l’établissement de la banque d’Angleterre que s’ouvre l’ère de ces institutions d’un nouvel ordre, qu’on peut appeler les banques modernes.

La fondation de la banque d’Angleterre est due au stathouder de Hollande, devenu roi d’Angleterre sous le nom de Guillaume III, et qui en avait pris l’idée dans sa patrie. Sans doute, elle fut calquée à bien des égards sur les banques anciennement connues : cependant elle s’écarta dès le principe des règles suivies jusqu’alors. Il n’est pas sûr, à la vérité, que les opérations auxquelles elle se livra n’aient été toutes pratiquées avant elle ; mais les plus importantes, comme l’émission des billets circulans, ne l’avaient été du moins que comme des essais sans suite, tandis qu’elle eut la gloire d’y persévérer. C’est par là qu’elle est devenue le modèle des institutions du même genre qui se sont propagées plus tard.

Sa fondation remonte au XVIIe siècle. Un acte du parlement autorisa d’abord l’ouverture d’une souscription de 1 million 200,000 livres sterling (30 millions de francs), qui fut remplie en dix jours. Bientôt un nouvel acte institua la banque, et l’érigea en corporation, avec tous les priviléges attachés à ce titre : la charte d’institution est du 27 juillet 1694. Par cette charte, il fut permis à la banque de négocier en toutes sortes de billets ou effets commerçables, tels que lettres de change, et en or ou en argent, soit en espèces monnayées, soit en lingots, etc. ; de recevoir en dépôt toutes sortes de marchandises, et de faire des avances aux déposans ; de prendre des hypothèques sur les terres, excepté celles de la couronne, et de vendre le produit des terres hypothéquées ; de faire des avances au gouvernement, mais avec l’autorisation préalable des chambres, qui, dans ce cas, devaient pourvoir au paiement des intérêts ; enfin d’émettre des billets payables à vue et au porteur, mais seulement jusqu’à concurrence du montant de son capital de 1 million 200,000 livres, à moins qu’un nouvel acte du parlement ne l’autorisât à étendre plus loin ses émissions. Ainsi la banque d’Angleterre réunissait dès-lors en elle les principales conditions des banques commerciales ;