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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

preneurs, elles se rendent seules obligées, seules garantes vis-à-vis de ces derniers, et, afin de les débarrasser eux-mêmes de l’obligation d’endosser ces billets plus tard quand ils voudront les transporter à d’autres, elles les déclarent payables au porteur.

Nous voici déjà dans un nouvel ordre de faits. Rien de changé pourtant quant au fond et à la nature des choses. Le mode de procéder diffère ; l’intention et le but restent les mêmes.

Cette substitution des billets des banques à ceux des particuliers, jointe à cette circonstance que les billets sont rendus payables au porteur, marque, dans le système du crédit, une ère nouvelle. La circulation des billets en est singulièrement favorisée, par cette double considération qu’il n’y a plus de formalités à remplir pour les transmettre, et que les porteurs subséquens, n’ayant aucune responsabilité à prendre, aucun danger à courir, les acceptent avec moins de peine, et n’ont d’ailleurs aucun dédommagement à demander en raison de leurs risques.

Reste la difficulté qui résulte de la détermination d’une échéance fixe.

C’est avoir fait un grand pas vers la solution de cette difficulté que d’avoir substitué les billets des banques à ceux des particuliers, car cette substitution autorise toutes les transformations qu’on veut faire subir aux titres de crédit ; elle permet de leur donner la forme et la teneur la plus convenable pour la circulation, la plus favorable à la fois aux intérêts des banques et à ceux du public. Cette forme, on l’a déjà compris, est celle des billets payables au porteur et à vue, auxquels on a particulièrement réservé le nom de billets de banque.

L’invention des billets de banque est, selon toute apparence, due au hasard. On vient de voir pourtant comment on pouvait y être conduit par le raisonnement et par des modifications successives des billets ordinaires. Mais peut-être le raisonnement aurait-il laissé quelques doutes sur la réussite d’un procédé en apparence si hasardeux. Il était difficile de concevoir à priori toute la portée de ces modifications si simples. Pour les croire même possibles dans l’application, il fallait prévoir, ce que l’expérience seule a pu mettre en évidence, que de tels billets circuleraient un certain temps dans le public avant de se présenter au remboursement, et que les présentations pourraient même, à bien des égards, lorsque les émissions seraient faites sur une grande échelle, être calculées d’une manière rigoureuse et presque mathématique.

Quoi qu’il en soit, le seul exposé que nous venons de faire suffit pour montrer la place que le billet de banque occupe dans le système commercial.

Par sa nature, il ne diffère pas essentiellement du billet ordinaire. Il est comme lui une obligation commerciale contractée dans le même esprit, dans le même but. La forme seule en est différente. Du reste, la condition du paiement, qui est la base essentielle du billet ordinaire, s’y trouve, aussi précise, aussi formelle.

Il n’est pas destiné, comme on l’a dit, à remplacer l’argent, mais à remplacer dans la circulation les billets ordinaires, dont la forme et les conditions