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HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ.

en pleine terre, et n’a cessé, aux diverses époques, de s’y reproduire dans son luxe de végétation et de puissance. À Rome l’idée de royauté, une fois bannie, demeura absente, étrangère, haïe et repoussée bien plutôt que méprisée : l’auteur tient à établir ce dernier point. Au temps de l’empire, il fallut aux empereurs toutes sortes d’efforts et de dissimulations pour implanter, à l’encontre du sénat, quelque chose de l’idée et de l’habitude dynastique. Les prétoriens étaient, en leurs mains, l’instrument de cet intérêt domestique et de ces essais d’hérédité. L’auteur cherche ainsi à introduire une sorte de pensée fixe et de loi dans ces perpétuelles et confuses révoltes du prétoire.

Mais ce ne fut qu’en se rapprochant de l’Asie, en allant chercher dans l’Orient des exemples et des épouses, que les empereurs parvinrent à transporter ou à greffer quelque chose de la religion dynastique sur ce vieux tronc du patriciat romain. L’auteur nous signale ainsi l’influence singulière de quatre femmes syriennes, des quatre Julies, comme il les appelle, autour des règnes de Septimo, de Caracalla, d’Héliogabale et d’Alexandre Sévère. Ce chapitre est un des plus piquans de l’ouvrage et des plus spécieux dans sa nouveauté.

Le christianisme, qui devenait une puissance dans l’état, favorisait plutôt l’idée dynastique ; entre le sénat et César, dès qu’il y avait lutte, il n’hésitait pas. Le sénat, c’était l’ancien ordre païen au complet, politique à la fois et religieux, la religion d’état par excellence, un Capitole ennemi et inexpugnable. César, après tout, n’était qu’un homme et pouvait se gagner.

Mais est-il rigoureusement exact de dire « que les progrès ou les défaites de l’hérédité souveraine, essayée par les empereurs romains, étaient devenus la véritable mesure de la destinée des chrétiens ; que, sitôt que le sénat et l’empire non héréditaire emportaient la balance, le christianisme était persécuté ; que, sitôt que l’idée orientale ou royale recommençait à prévaloir, les persécutions s’arrêtaient ; que le caractère personnel des princes n’avait aucune part à ces oscillations ? » Voilà des assertions bien absolues ; ce serait la première fois qu’une idée aurait triomphé, durant une longue période, du caractère personnel des gens. Je ne vois point, par exemple, pourquoi, indépendamment de toute idée d’hérédité ou de non-hérédité, la nature grossière, cruelle et superstitieuse de Galère, n’aurait pas arraché l’édit de persécution au caractère affaibli et vieilli de Dioclétien ; il ne m’est pas très prouvé non plus que celui-ci ait eu des engagemens secrets avec les chrétiens, et qu’il ait dû paraître ensuite à leur égard, non-seulement un ennemi, mais un traître.