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HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ.

XIe siècle, à cette époque où se reforment partout, et assez petitement d’abord, les royautés politiques ; celle de Hugues Capet est de ce nombre, et si, à son berceau, elle n’a pas à beaucoup près la splendeur des débuts carlovingiens, aucune imprudence du moins n’en altère le principe grandissant et n’en compromet l’avenir.

L’auteur, on le voit, s’est tracé un vaste cadre, et il a eu force d’exécution pour le remplir. Jusqu’à quel point, dans cette longue étude du passé monarchique, a-t-il été préoccupé du présent, de ce qui nous touche, et jusqu’à quel point a-t-il pu l’être légitimement ? De tels travaux, si lointains et si purement historiques qu’on les fasse, ont presque toujours leur point d’appui, leur point de départ dans les questions modernes, et leur inspiration première, leur verve si j’ose dire, vient de là. M. de Saint-Priest a vu sans doute l’idée monarchique beaucoup plus désertée en théorie qu’elle n’est peut-être perdue en fait, et il m’a l’air de ceux qui ne désespèrent pas précisément de son lendemain. La France a long-temps été monarchique ; elle a toujours assez et trop aimé, sauf les intervalles, aller à un seul, obéir à quelqu’un ; et cette idée, qui trouverait ses retours jusque dans le triomphe de la démocratie, vaut bien la peine qu’en temps régulier, et même à travers l’apparente défaveur, on s’y arrête encore : l’observer à loisir et la reconnaître, c’est le bon moyen d’en moins abuser. Historiquement, on peut trouver que dans les remarquables travaux de l’école moderne, la royauté n’a pas été traitée assez équitablement ; la plupart des historiens de cette école, en effet, sont entrés dans l’étude par la polémique, et leur impartialité, même en s’élargissant graduellement, a toujours gardé le premier pli. M. de Saint-Priest se sera dit qu’il y avait là un sujet tout neuf : retrouver les vieux titres de nos races monarchiques et ceux aussi de l’église à ces époques. Un livre, j’imagine, n’aura pas laissé d’exercer de l’influence sur la conception du sien. La Démocratie, de M. de Tocqueville, paraissait avec éclat vers le temps où lui, d’autre part, il commençait à méditer sa Royauté. Le désir d’opposer à l’ouvrage en vogue, sinon un contre-poids, du moins une contre-partie et un pendant, dut le séduire. Plus la forme était différente et plus le terrain des deux sujets éloigné, plus aussi la noble lutte avait tout son jeu. À une démocratie présente et imminente, dont les États Unis nous offraient à leur manière l’active, la grandiose, mais assez terne image, il était piquant de restituer pour vis-à-vis l’ancien fond monarchique dans son relief le plus coloré. Entre ce double antagonisme, tel que je le suppose, plus à distance avec M. de Tocqueville