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LES AFFAIRES DE CHINE ET DE L’AFGHANISTAN.

rivière de Woosung, à peu près à 12 milles au-dessus de la ville de ce nom ; la rivière est navigable encore pour les bateaux à vapeur à 47 milles plus haut. Shangai est le grand entrepôt du commerce de ce district avec les provinces à thé du midi, avec la province de Shantung et avec la côte des Tartares Mantchoux au nord. À Shangai et à Ning-poo, qui sont les plus septentrionaux des ports ouverts aux Anglais, les étés sont très chauds, mais l’hiver est aussi très froid, et il s’y fait une grande demande de tissus de laine.

L’île de Hong-kong, cédée à perpétuité à la couronne d’Angleterre, est située dans le golfe où se jette la rivière de Canton. On ne peut douter que les Anglais n’en fassent bientôt un Gibraltar inexpugnable et l’entrepôt d’un immense commerce ; l’esprit de ce peuple ne permet pas de croire qu’entre ses mains cette station puisse dégénérer comme celle de Macao entre les mains des Portugais.

Après la nouvelle de la signature du traité, on conservait encore, en Angleterre, des doutes sur les dispositions du céleste empereur à le ratifier ; mais, d’après les dernières nouvelles, l’empereur avait accepté, le 29 août, toutes les conditions du traité, et, probablement empressé de voir les Anglais évacuer Nankin et le Grand-Canal, il avait immédiatement fait les deux premiers versemens de l’indemnité. Les Anglais se disposaient donc à ne plus occuper que Chusan, qu’ils doivent garder jusqu’après l’entier paiement. Lord Ellenhorough faisait frapper une médaille qui devait être donnée à tous les officiers de l’armée de l’Inde ayant fait la campagne, et portant d’un côté un dragon avec une couronne impériale, et de l’autre l’effigie de la reine de la Grande-Bretagne, avec cette légende : Pax Asiæ Victoriâ restituta. 1842.

L’empereur, avons-nous dit, avait accepté, mais il n’avait pas encore ratifié le traité. Ce délai paraît n’être qu’une affaire d’étiquette. Le céleste empereur demande que la reine Victoire ratifie la première. Les Anglais ont cru devoir appeler cela de la galanterie ; c’est prêter au fils du Soleil des mœurs plus occidentales qu’il n’en a probablement.

Ce qui mérite aussi le plus grand intérêt, c’est la nouvelle qu’un ambassadeur de la cour de Pékin doit prochainement se rendre auprès de la reine de la Grande-Bretagne.

On a dit avec raison que le voyage d’un ambassadeur chinois à Londres ferait plus pour assurer la permanence des relations entre le céleste empire et les états occidentaux, que ne pourraient faire tous les traités du monde. Ce qui a surtout contribué à séparer les Chinois du reste de l’univers, c’est le profond mépris qu’ils professent pour toute la partie du genre humain qui n’a pas l’honneur d’être chinoise ou tartare, et ce mépris même a sa source dans l’ignorance plus profonde encore où ils sont de la civilisation occidentale, de sorte que leur isolement vient de leur orgueil, comme leur orgueil vient de leur isolement. Jusqu’à présent les Européens avaient été, aux yeux du céleste empereur, des barbares aux cheveux rouges que l’aspect de son céleste visage devait obliger de fermer les yeux, et qu’un signe de son céleste sourcil