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REVUE. — CHRONIQUE.

la Sontag devint comtesse à la diète de Francfort ; et tandis que sa blonde rivale se posait dans la vie avec un certain calme aristocratique, la Malibran, elle, toujours inquiète, toujours possédée par cette fièvre du génie dont elle était la proie, commença une course errante et vagabonde qui devait ne s’arrêter qu’à la mort. Le vieux roi, qui présidait cette fête en souriant, s’en alla, lui aussi, mourir loin de la France, et de tant de gloire et d’enthousiasme, de tant d’inspiration, de poésie et d’art, il ne reste plus aujourd’hui que des souvenirs, souvenirs doux et tristes pour le public des Italiens, mais redoutables surtout pour les virtuoses, et qu’on évoque à l’instant sitôt qu’on touche à Tancredi.

On annonce pour la fin de ce mois la partition nouvelle de M. Donizetti Don Pasquale. Cette fois, la verve comique de l’auteur de l’Elisir d’amore s’est exercée sur un de ces sujets fort connus de l’opéra napolitain, vieux thèmes toujours neufs que les maîtres aiment à prendre tout faits. Ce rôle écrit pour Lablache nous rendra l’admirable comédien du Matrimonio segretto et de Cenerentola, car tout nous porte à croire que ce don Pasquale sera un peu de la famille de Geronimo, de don Magnifico et de tous ces bons hommes sublimes que le vieux Lablache affectionne dans leurs robes de chambre à ramages et sous leurs perruques fantastiques. N’importe, nous félicitons d’avance volontiers M. Donizetti de s’être abstenu cette fois de toute imagination de nos vaudevilles et mélodrames, et d’avoir été puiser son sujet aux véritables sources du bouffe. Presque en même temps le théâtre Favart donnera le Farinelli de MM. Scribe et Auber. Pour peu que vous soyez versés dans les annales de l’ancien théâtre italien, voilà un titre fait pour piquer vivement votre curiosité. Mettre à la scène un de ces Abeilards volontaires de la musique qu’on appelait autrefois soprani, c’était là une tâche délicate, on en conviendra, et qui ne demandait pas moins que toute l’habileté de M. Scribe. C’est Mme Rossi qui doit jouer Farinelli à l’Opéra-Comique ; le rôle étant de soprano revenait de droit à la prima donna.


H. W.

Depuis bientôt douze ans qu’il enseigne à la Faculté des Lettres avec un goût persistant, avec une passion, on peut le dire, que le temps n’a fait qu’aiguiser, M. Saint-Marc Girardin est trop habitué au succès pour que l’empressement du public et ses bruyantes sympathies le surprennent. Jamais cependant le spirituel et caustique professeur n’a mieux réussi qu’à sa dernière leçon d’ouverture ; jamais il n’a avec plus de charme, avec une verve plus décidée, avec une parole plus entraînante, excité ou plutôt surpris les applaudissemens de son nombreux auditoire. Je dis surpris, car ce sont des jeunes gens qui écoutent M. Saint-Marc, et, assurément, M. Saint-Marc leur prodigue bien plutôt les conseils et les épigrammes que les madrigaux et les compli-