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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/123

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DE LA LÉGISLATION ANGLAISE SUR LES CÉRÉALES.

vages du dernier siècle, ou même de 1815, sachez bien que vous engendrerez un formidable esprit de mécontentement, et que vous sèmerez des germes dangereux d’hostilité entre les autorités constituées du royaume. Vous n’empêcherez pas que le peuple se dise que des écrivains impartiaux, que des hommes éclairés, que des penseurs désintéressés se sont tous trouvés d’accord pour condamner le droit mobile comme la plus détestable base que vous puissiez donner à une loi. Il saura bien voir, malgré vous, que ce que vous proposez est sévèrement blâmé par les hommes les plus éclairés de toutes les classes. Comment, dites-le-moi, lui ferez-vous comprendre que les maîtres de la terre peuvent seuls juger cette question avec impartialité ? Comment lui ferez-vous croire que ceux dont les intérêts sont en jeu dans cette discussion sont les seuls désintéressés dans les résultats qu’elle doit avoir ? Croyez-le bien, ce n’est pas ainsi qu’il raisonne. Il vous soupçonnera, injustement peut-être, mais enfin il vous soupçonnera de favoriser les intérêts qui sont déjà privilégiés. Il ne voudra pas croire que ces intérêts vous sont indifférens, et que vous les avez jugés avec impartialité et avec désintéressement. Tout, tout au monde vaudra mieux pour la législation qu’un pareil acte. Restez dans l’erreur, si vous le voulez ; faites des lois commerciales qui seront empreintes de l’ignorance du XVe et du XVIe siècle ; si vous n’êtes coupable que d’ignorance, vous ne soulèverez point de sentimens de haine. Mais si vous proclamez hautement que les communes d’Angleterre, dans une question qui concerne la subsistance de tous, n’ont été animées que par des sentimens égoïstes et intéressés, la législature, croyez le bien, sera perdue dans l’esprit du peuple. »

À ces raisonnemens pressans, sir Robert Peel répondait en touchant la fibre nationale : « Je maintiens, disait-il, que vous devez en première ligne vous confier aux ressources de votre propre sol, et ne pas vous exposer aux hostilités, ou aux caprices, ou à la chance des récoltes des nations étrangères. Si vous faites cela, le temps viendra, sachez-le bien, où vous vous repentirez de l’avoir fait. Lorsque les grains vous manqueront, et que vous serez obligés d’avoir recours à ceux des étrangers, vous pourrez vous apercevoir, mais trop tard, que vous auriez mieux fait de compter sur vous-mêmes. »

« Quelle puérile doctrine ! répliquait lord Palmerston ; est-ce qu’une nation qui dépend des nations étrangères pour son commerce, et qui ne peut trouver que dans le commerce étranger les ressources