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REVUE. — CHRONIQUE.

sérieuses encore. On a vu l’élasticité perfide que la multiplicité des droits sur les mêmes articles donne à ce tarif ; le maximum de quelques-uns de ces droits, que la prudence seule a jusqu’à ce jour empêché de percevoir, est d’une exagération monstrueuse, et la pensée que le gouvernement hanovrien a souvent laissé entrevoir dans ces dernières années d’accroître les revenus de Stade, a aggravé d’un effroi légitime pour l’avenir les griefs actuels du commerce. C’est principalement sur les marchandises manufacturées que le Hanovre a manifesté sa tendance à hausser les droits. Or, on peut juger par le fait suivant de la marge démesurée que lui donne à cet égard le tarif de 1821. Pendant les années 1835, 1836 et 1837, la Grande-Bretagne a exporté pour Hambourg quatre-vingt-seize mille balles de coton filé et cinquante mille balles de calicot. La douane hanovrienne les a imposées par balle, ce qui a produit, à 70 c. de coton filé et 3 fr. 70 c. par balle de calicot, environ 252,000 fr. Si les employés eussent taxé les fils par paquets, et le calicot par pièce ou à l’aunage, comme ils y étaient autorisés par le tarif, les droits sur la même quantité de fil et de calicot eussent produit la somme énorme de 2,275,000 fr.

Les négocians anglais, qui rencontrent en Allemagne tant de difficultés à lutter avec la concurrence indigène, ne se sont pas montrés disposés à laisser le roi de Hanovre jouir long-temps d’un privilége qu’il exerce de manière à rappeler, en plein XIXe siècle, ces seigneurs féodaux qui levaient au moyen-âge, sur les commerçans, de si tyranniques et de si absurdes contributions. Ils ont pressé depuis long temps le gouvernement britannique de leur faire obtenir l’entière abolition des droits de Stade, ou du moins d’en exiger la réduction au taux consacré par les anciens traités d’un seizième pour cent ad valorem. Un membre de la chambre des communes, M. William Hutt, s’est fait leur avocat chaleureux dans le parlement et dans la presse[1], et dès le règne de Guillaume IV, qui portait les deux couronnes d’Angleterre et de Hanovre, lord Palmerston demanda à l’administration de ce dernier pays la révision du tarif. L’affaire a traîné en longueur, et ce n’a été qu’au printemps de l’année dernière que les commissaires des deux gouvernemens se sont réunis à Hambourg pour se livrer à ce travail de réforme. Les commissaires hanovriens ont refusé d’abord de traiter sur la base présentée par le commissaire anglais, M. Ward, qui proposait de reconstituer le tarif sur l’ancien principe d’un seizième pour cent ad valorem. Il paraît que, grace aux sympathies politiques qui l’unissent au roi Ernest, le ministère actuel a été plus heureux que lord Palmerston, et est enfin parvenu à mener cette affaire à bon terme. On ignore encore les détails du tarif qui a été arrêté. On sait seulement par les révélations du Morning-post que le principe d’un droit ad valorem a été adopté. Il est probable que l’Angleterre aura fait quelques concessions sur la proportion de ce droit ; on aura pris peut-être

  1. M. W. Hutt a publié en 1839 une brochure d’un grand intérêt sur cette question, sous le titre de : The Stade duties considered.