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pesé sur l’Europe ce joug souverain de la monarchie méridionale que Charles-Quint rêva par la guerre, que son fils poursuivit par l’intrigue, et dont il fut donné à Richelieu de disperser les derniers vestiges. Voilà, en dernier résultat, ce que voulait la ligue : une royauté espagnole, comme au xive siècle on avait eu une royauté anglaise, Isabelle après Henri VI, des deux côtés la conquête.

C’est par l’insistance de Philippe II que les états furent convoqués, après bien des retards. Il s’agissait de disposer du trône. Or Mayenne, inquiet de tant de prétentions contraires et n’ayant confiance que dans le temps, résignait volontiers son ambition provisoire à la lieutenance-générale. À la fin, pourtant, il fallut céder, et les états s’ouvrirent, dans les salles du Louvre, le 26 janvier 1593. Toutefois, ce ne fut pas sans effort que Mayenne, avec l’aide du président Jeannin, parvint à faire accepter la capitale comme lieu de réunion : sans la mort du général de Philippe Ii, le duc de Parme, il n’y eût jamais réussi. Chacun tenait à rapprocher de soi l’assemblée ; le duc de Lorraine voulait Reims ; les Espagnols demandaient Soissons, afin d’être appuyés par leurs armées de Flandre ; le lieutenant enfin désirait Paris, dont la population avait besoin, dit Davila, « d’être retenue dans le parti, » Paris où le jeu des intrigues était plus sûr, et où l’on était fort las d’ailleurs de la garnison de Philippe II.

La lettre de forme royale, par laquelle le duc de Mayenne avait convoqué les états de la ligue, déplut fort au Béarnais, comme on l’imagine. « Ceste convocation, s’écria-t-il, n’est qu’en imagination ; j’empescheray bien, avec la grace de Dieu, qu’elle ne le soit en effet. » Et aussitôt il commanda à Forget, son secrétaire d’état, de rédiger de sa belle et riche plume une verte réponse au lieutenant-général. Cette déclaration, rangée par Pierre Matthieu[1] « entre les plus belles pièces que l’éloquence ait portées durant ces guerres civiles, » n’a cependant pas été jugée digne par M. Bernard d’être insérée dans son recueil, entre tant de morceaux déjà imprimés qu’il ne s’est pas fait scrupule, et avec raison, d’y admettre. Henri IV, tout en se déclarant « prêt à recevoir toute sorte d’instruction » (simple phrase qui était un coup mortel porté bien à propos à la ligue), défendait expressément[2] de s’occuper des états de l’Union, « d’y aller ou envoyer, y avoir intelligence aucune, directement ou indirectement, ny donner passage, confort ou aide, à ceux qui iront, retourneront ou envoieront. » Un parlement de province alla plus loin dans son zèle, et ordonna que « le lieu et ville auxquels telle assemblée se fera, seront démantelez, rasez et ruynez, sans espérance de réédification. Aucune de ces menaces ne s’est réalisée sans doute ; les états s’assemblèrent malgré la colère du Béarnais, et Paris est encore debout, malgré l’arrêt de la cour de Châlons. Cela cependant ne fera dire à personne avec M. Bernard que « toute la France comptait sur l’autorité des états. » À cette date, Henri IV

  1. Hist. de France sous Henri IV, 1631, in-fo, t. II, p. 122.
  2. Mém. de la Ligue, édit. de Goujet, t. V, p. 286.