tions du docteur Miendoça en faveur de l’infante, furent impuissantes. De la sorte, on gagnait du temps, et, aux yeux de ceux qui savaient deviner, c’était bien quelque chose, car le temps ajoutait incessamment au crédit de Henri IV. Aussi les agens espagnols durent bientôt se rabattre sur un projet de mariage entre Isabelle et un prince qui serait nommé roi. Cette idée rencontra beaucoup d’adhérens ; si même Feria, Ybarra et Tassis n’avaient pas présenté obstinément un neveu de l’empereur, l’archiduc Ernest, prince inconnu en France, s’ils s’étaient tout d’abord emparés de la popularité du jeune Guise (comme ils le firent trop tard et alors que les chances du Béarnais étaient devenues décisives), ils auraient sans aucun doute réussi. Au surplus, le courageux arrêt du parlement de Paris qui défendait aux députés de la ligue, sous peine de nullité, d’appeler au trône un étranger, vint couper court aux espérances de Philippe II, et, comme dit le bon Le Grain, cet historien curieux et trop dédaigné, « réduire les estats en fumée pour le Castillan. » La colère que cette mesure hardie suscita chez quelques membres obstinés du tiers, les séances orageuses qui s’ensuivirent, ont par malheur disparu dans la sécheresse inanimée du procès-verbal. On sait seulement que deux magistrats ligueurs, Nicolas Lebarbier et Dulaurens, avocats-généraux, celui-ci du parlement de Provence, celui-là du parlement de Normandie, attaquèrent avec fureur l’arrêt de la cour. Dans leur impétuosité, ils s’exclamèrent tous deux ensemble, ils lancèrent contre les modérés des diatribes arrogantes et piquantes, et alors les députés offensés sortirent en masse, rentrèrent sur l’insistance de leurs collègues, puis sortirent de nouveau pour aller se plaindre à Mayenne. Heureusement ces violences vinrent échouer contre le sentiment national ; les menaces de retraite du légat et l’irritation de l’ordre du clergé[1], dès qu’il était question de trêve, les déclamations désespérées du cardinal de Pellevé, cet âne rouge, comme on l’avait surnommé aux états, les obsessions enfin et les suprêmes intrigues des agens espagnols, rien n’y fit, et ce ne furent qu’efforts de paille, pour parler la langue expressive d’alors. L’arrêt en faveur de la loi salique fut, quoi qu’on en puisse dire, un grand acte, un coup inattendu, le coup le plus fatal qu’ait reçu la ligue avant l’abjuration définitive du Béarnais. Que Mayenne en ait été le secret promoteur, qu’il n’ait montré dans cette occasion qu’une colère factice et purement politique, je ne le crois pas, mais le fait est possible. Peu importe d’ailleurs. Lorsque les membres de la cour promirent « de mourir tous avant que le dict arrêt fust changé ou rompu, » ils prirent, ils acceptèrent la solidarité du péril à braver, de la gloire à recueillir. M. Bernard veut, dans une note, enlever à Marillac l’honneur de cette courageuse mesure ; on dirait qu’il espère diminuer le mérite de l’action en la rapportant à plusieurs ; mais le vers du poète revient au souvenir :
- ↑ « Solus sacer ordo arma quam pacem malebat., (Thuan., l. CVI, § 13 ; édition Lond., t. V, p. 269.)