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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/325

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DIPLOMATIE ÉTRANGÈRE.

tions les plus embarrassantes de sa politique, et le regret d’avoir payé si cher cette solution. L’examen des principales dispositions du traité du 9 août, et de la manière dont les négociations ont été conduites, nous paraît de nature à prouver que ce dernier sentiment est le plus naturel et le mieux justifié.

Le traité embrasse trois matières séparées et très distinctes : une convention sur les frontières, une autre sur le commerce des esclaves, une troisième sur l’extradition mutuelle des criminels. Nous retrouverons plus tard les autres matières qui ont été discutées, mais dont la solution a été ajournée d’un commun accord. De ces trois conventions, réunies dans un seul corps de traité, la première était l’objet principal de la mission de lord Ashburton, et la question qu’elle a enfin résolue forme un des côtés les moins connus, mais les plus graves peut-être, de la politique extérieure de la Grande-Bretagne depuis plus d’un demi-siècle.

Le différend des frontières du nord-est dure en effet depuis 1783 ; il a une origine contemporaine de l’émancipation des colonies anglaises de l’Amérique et de leur constitution en états unis. Ainsi, durant soixante années de vicissitudes, soixante années qui ont vu les évènemens les plus considérables de l’histoire, et pendant lesquelles les rapports de l’Angleterre avec ses anciennes dépendances ont été plusieurs fois réglés, il a surnagé en un point presque désert de l’Amérique un germe de discorde et de guerre qui a traversé tous les traités, que toutes les administrations se sont successivement transmis comme un héritage qu’aucune n’avait pu liquider, et qui a été un obstacle constant, quoique souvent inaperçu, à l’établissement d’une complète harmonie entre les deux pays.

En parcourant l’histoire très longue et très diffuse des négociations échangées sur ce sujet entre les deux gouvernemens, on est particulièrement frappé d’y voir se manifester de part et d’autre la meilleure volonté d’arriver à un arrangement, et l’on s’étonnerait que ce différend n’eût pas été depuis longtemps résolu, si l’on ne prenait en considération la constitution exceptionnelle de l’Union américaine. Sans aucun doute, si une question de cette nature eût été débattue entre deux gouvernemens réguliers, comme ceux que nous avons l’habitude de voir en Europe, elle eût été réglée sans difficulté : mais il ne faut pas oublier qu’il y a en Amérique deux sortes de gouvernement : le gouvernement fédéral qui représente l’Union, et le gouvernement particulier de chaque état indépendant. Or, s’il y a dans la constitution fédérale un article qui interdit aux états particuliers toute convention directe avec les puissances étrangères, sinon par l’intermédiaire du pouvoir exécutif, il y existe aussi un article qui interdit au pouvoir fédéral la faculté de céder aucune portion du territoire d’un état particulier sans le consentement de cet état. Ainsi, dans cette question des frontières, il y avait toujours une double négociation à suivre : la première entre le gouvernement anglais et le pouvoir exécutif des États-Unis ; la seconde entre le gouvernement de l’Union et le gouvernement de l’état du Maine, qui était le plus intéressé dans l’affaire, et duquel, en définitive, dépendait l’acceptation ou le rejet des propositions