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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/368

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REVUE DES DEUX MONDES.

murailles sont badigeonnées d’une sorte de jaune assez abominable. Sans être de ceux qui aiment précisément les édifices moisis, lépreux et noirs, nous avons une horreur particulière pour cette infâme couleur potiron qui charme à un si haut degré les prêtres, les fabriques et les chapitres de tous les pays, puisqu’ils ne manquent jamais d’en empâter les merveilleuses cathédrales qui leur sont livrées. Les édifices doivent être peints et l’ont toujours été, même aux époques les plus pures ; seulement il faudrait mieux choisir la nuance et la nature de l’enduit.

Enfin l’on ouvrit les portes, et nous eûmes l’agrément préalable d’être visités assez minutieusement à la douane, après quoi l’on nous laissa libres de nous rendre en compagnie de nos malles au parador le plus voisin.

Cordoue a l’aspect plus africain que toute autre ville d’Andalousie ; ses rues ou plutôt ses ruelles, dont le pavé tumultueux ressemble au lit de torrens à sec, toutes jonchées de la paille courte qui s’échappe de la charge des ânes, n’ont rien qui rappelle les mœurs et les habitudes de l’Europe. L’on y marche entre d’interminables murailles couleur de craie aux rares fenêtres treillisées de grilles et de barreaux, et l’on n’y rencontre que quelque mendiant à figure rébarbative, quelque dévote encapuchonnée de noir, ou quelque majo, qui passe avec la rapidité de l’éclair sur son cheval brun harnaché de blanc, arrachant des milliers d’étincelles aux cailloux du pavé. Les Mores, s’ils pouvaient y revenir, n’auraient pas grand’chose à faire pour s’y réinstaller. L’idée que l’on a pu se former, en pensant à Cordoue, d’une ville aux maisons gothiques, aux flèches brodées à jour, est entièrement fausse. L’usage universel du crépi à la chaux donne une teinte uniforme à tous les monumens, remplit les rides de l’architecture, efface les broderies et ne permet pas de lire leur âge. Grace à la chaux, le mur fait il y a cinq cents ans ne peut se distinguer du mur achevé d’hier. Cordoue, autrefois le centre de la civilisation arabe, n’est plus aujourd’hui qu’un ramas de petites maisons blanches par-dessus lesquelles jaillissent quelques figuiers d’Inde à la verdure métallique, quelque palmier épanoui comme un crabe de feuillage, et que divisent en îlots d’étroits corridors par où deux mulets auraient peine à passer de front. La vie semble s’être retirée de ce grand corps, animé jadis par l’active circulation du sang moresque ; il n’en reste plus maintenant que le squelette blanchi et calciné. Mais Cordoue a sa mosquée, monument unique au monde et tout-à-fait neuf, même pour les voyageurs qui