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resques avec balcons, trèfles et colonnettes de marbre blanc, encadrés dans de grands panneaux de briques en losange ; la tour se terminait autrefois par un toit de carreaux vernis de différentes couleurs que surmontait une barre de fer ornée de quatre pommes de métal doré d’une prodigieuse grosseur. Ce couronnement fut détruit en 1568 par l’architecte Francisco Ruiz, qui fit monter de cent pieds encore, dans la pure lumière du ciel, la fille du More Guever, pour que sa statue de bronze pût regarder par-dessus les sierras et causer de plain-pied avec les anges qui passent. Bâtir un clocher sur une tour, c’était se conformer de tout point aux intentions de cet admirable chapitre dont nous avons parlé, et qui désirait passer pour fou aux yeux de la postérité. L’œuvre de Francisco Ruiz se compose de trois étages dont le premier est percé de fenêtres dans l’embrasure desquelles sont suspendues les cloches ; le second, entouré d’une balustrade découpée à jour, porte sur chacune des faces de sa corniche ces mots : Turris fortissima nomen Domini ; le troisième est une espèce de coupole ou lanterne sur laquelle tourne une gigantesque figure de la Foi, de bronze doré, tenant une palme d’une main et un étendart de l’autre, qui sert de girouette et justifie le nom de Giralda porté par la tour. — Cette statue est de Barthélemy Morel, on la voit d’excessivement loin, et quand elle scintille à travers l’azur, aux rayons du soleil, elle semble véritablement un séraphin flanant dans l’air.

L’on monte à la Giralda par une suite de rampes sans degrés si douces et si faciles, que deux hommes à cheval pourraient aisément gravir de front jusqu’au sommet, où l’on jouit d’une vue admirable. Séville est à vos pieds, étincelante de blancheur, avec ses clochers et ses tours qui font d’impuissans efforts pour se hausser jusqu’à la ceinture de briques roses de la Giralda. Plus loin s’étend la plaine, et le Guadalquivir promène la moire de son cours. On aperçoit Santi-Ponce, Algaba, et autres villages. Au dernier plan apparaît la chaîne de la sierra Morena aux dentelures nettement coupées, malgré l’éloignement, tant est grande la transparence de l’air dans cet admirable pays. De l’autre côté se hérissent les sierras de Gibrain, de Zaara et de Moron, nuancées des plus riches teintes du lapis-lazzuli et de l’améthyste ; admirable panorama criblé de lumière, inondé de soleil et d’une splendeur éblouissante.

Une grande quantité de tronçons de colonnes taillées en manière de bornes, et réunies entre elles par des chaînes, à l’exception de quelques espaces laissés libres pour la circulation, entourent la ca-