un poète de faire une épopée au lieu d’une élégie, à un peintre de faire une fresque au lieu d’un tableau de chevalet. Il a reçu le don de peindre ce qui lui est nécessaire pour encadrer les scènes qu’il lui est permis de composer. S’il veut représenter une famille de paysans devant une chaumière, il saisira jusqu’aux moindres nuances du lierre qui grimpe autour des murailles, il n’oubliera ni la cage où chante la pie, ni la mare où nagent les canards, ni même le fumier qu’escaladent les poules : il saura rendre avec d’incroyables finesses de pinceau tous les objets qui entourent ses personnages ; mais ce qui termine les grands tableaux, la mer, les forêts, les montagnes, les belles lignes de peupliers, il ne lui sera jamais donné de le comprendre et de le reproduire.
Le Curé de Village, malgré les défauts qu’il est si facile d’y relever, méritait une sorte d’attention, parce que c’est peut-être le dernier livre de M. de Balzac où l’on trouve des indices de travail consciencieux ; car je ne crois pas qu’il faille attribuer à l’étude le style pénible et tourmenté dans lequel sont écrits ses autres romans. Il est des orateurs qui improvisent avec abondance dans un langage obscur et confus ; M. de Balzac court comme eux sans s’inquiéter des phrases boiteuses qu’il pousse devant lui. Ursule Mirouët, Une ténébreuse Affaire, Albert Savarus, appartiennent à la pire espèce des œuvres littéraires, à l’espèce médiocre et négligée. Chez les écrivains qui s’abandonnent à la vie du feuilleton, la vanité se fait complice de l’intérêt ; on se croit un talent capable de résister à tous les dissolvans. M. de Balzac, qui a fait tant d’études physiologiques, devrait savoir que l’organisation intellectuelle surpasse encore l’organisation animale en effrayante fragilité. Au moins le roman feuilleton aurait-il exercé une influence salutaire sur l’auteur du Livre mystique, s’il l’avait réconcilié avec son époque en le délivrant de ses prétentions à être un des martyrs de la pensée ; mais, tant que M. de Balzac ne se sera point fait voter par les chambres ce traitement de maréchal de France qu’il réclama si hautement un jour, il conservera contre son siècle une douloureuse indignation. L’industrie ne l’a point guéri de ses blessures ; il l’a considérée sous l’aspect que son imagination attristée prête à toutes les choses humaines. Quinola nous a fait entendre les plaintes d’un grand industriel méconnu. Il n’est pas besoin de rappeler comment fut accueilli ce drame, où se retrouve la morale de Vautrin.
Il paraît évident maintenant que M. de Balzac ne peut point chausser le brodequin comique sans tomber. Il en est des chutes qu’on fait