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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/532

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REVUE DES DEUX MONDES.

Troisième mystification : les infans.

Une des plus grandes questions qui puissent s’agiter pour l’avenir de l’Espagne est sans contredit celle du mariage de la reine Isabelle. Tous les partis en étaient fort occupés il y a quelque temps. La reine devait avoir douze ans le 10 octobre dernier, et douze ans, c’est l’âge nubile pour les jeunes filles en Espagne. De là des calculs et des combinaisons à n’en plus finir, chez tous ceux qui pouvaient craindre ou espérer quelque chose du mariage. Au premier rang des prétendans se plaçait naturellement un des fils de l’infant don Francisco. L’infant don Francisco est frère du feu roi Ferdinand VII, et sa femme, la princesse Charlotte, est sœur de la reine Christine ; leurs fils sont donc à double titre cousins germains de la reine Isabelle. À leur qualité de Bourbons, ils joignent celle d’Espagnols ; tout en fait des candidats-nés à la main de la jeune héritière du trône de Philippe V.

L’infant don Francisco était en France avec sa famille. Quand il a vu approcher l’époque de la nubilité de la reine, il a fait demander au régent la permission de rentrer en Espagne, ce qui lui a été gracieusement accordé. Arrivé à Madrid, il s’est empressé de se mettre en rapport avec Espartero. Celui-ci qui n’oublie jamais ce qui peut donner à sa personne le plus d’éclat possible, a profité de la circonstance pour traiter ce prince d’égal à égal. Les vieux royalistes ont été indignés de voir le petit-fils de Louis XIV tutoyé par un parvenu. L’infant et l’infante se sont prêtés à tout. Ils se sont laissés montrer en spectacle par l’orgueilleux dominateur, qui ne leur a rien épargné en fait de petites humiliations d’étiquette. La perspective d’une couronne fait passer sur bien des choses. Puis, quand le jour est venu où l’on a essayé de parler de mariage, Espartero a fait la sourde oreille. La reine était bien jeune, bien enfant encore ; on avait le temps de songer à son établissement, rien ne pressait. Une affaire si grave ! y pensait-on ? Il ne fallait pas la précipiter.

L’infante Charlotte, qui n’abandonne pas facilement un projet ambitieux, a été la première à perdre patience. Espartero avait-il réellement d’autres idées ? N’était-ce chez lui qu’un effet de son indécision et de son indifférence habituelles ? Prenait-il enfin un malin plaisir à prolonger les incertitudes des augustes solliciteurs ? On n’en sait rien. Ce qu’il y a de sûr, c’est que l’infante s’est lassée, et qu’elle a essayé d’arriver à son but par d’autres voies. Des officiers de la maison de la reine ont été gagnés sous main ; un d’eux a dû mettre sous les yeux de la jeune Isabelle un portrait du jeune prince. Espartero, en apprenant ces menées, s’est fâché. Il a fait savoir aux infans que leur santé avait besoin des bains de mer, et l’infante, indignée, a été forcée de quitter Madrid. Voilà où l’ont menée toutes les avances qu’elle avait faites et qu’on avait reçues si superbement. Elle est maintenant, avec son mari, à Saragosse, où elle se fait adresser publiquement des vers en l’honneur du futur époux de la reine. Tout récemment, ils ont demandé la permission de retourner à Madrid ; on la leur a refusée.

Et de trois. Le gouvernement espagnol est toujours le même, comme on