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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/548

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comme ses adversaires. Ces difficultés, ainsi que je le disais l’an dernier, pouvaient se réduire à trois : la situation financière du pays, l’Irlande, et le parti tory lui-même. Je vais les passer successivement en revue.

Quand le cabinet whig prépara le budget de 1842, il se trouvait, on le sait, en présence d’une situation financière difficile. Par suite des armemens extraordinaires de la Syrie, de la Chine et de l’Inde, par suite aussi de la réduction imprudente de certains impôts, il y avait sur les exercices 1840 et 1841 un déficit considérable. En outre, le déficit sur 1842 était évalué à 45 ou 50 millions. C’est alors qu’avec une louable hardiesse, le cabinet whig imagina de s’adresser, pour couvrir ce déficit, non à l’emprunt, non à l’impôt, mais à la réduction habilement combinée des droits qui protègent, en Angleterre, le blé, le sucre et les bois de construction. Grace à cette réduction, le blé de Crimée ou de Pologne, le sucre de Cuba ou du Brésil, le bois de construction de la Baltique, pouvait venir faire concurrence au blé anglais, au sucre des Antilles, au bois du Canada. Il y avait avantage pour le consommateur, qui se procurait à meilleur marché les marchandises dont il a besoin ; avantage pour le commerce, qui, dans le transport de ces marchandises, trouvait un aliment nouveau ; avantage enfin pour l’état, qui, au moyen d’un tarif modéré, faisait entrer dans ses coffres des sommes considérables. Mais il y avait dommage pour certaines industries privilégiées qui ne manquèrent pas de se coaliser.

Le jour où sir Robert Peel, soutenu par la coalition de ces industries, renversa le cabinet whig et prit le pouvoir, il avait donc un difficile problème à résoudre. Il fallait, par un autre moyen que ses prédécesseurs, et sans tromper les espérances de ses amis, remettre les finances en équilibre. Il fallait aussi ménager les classes non privilégiées, auprès desquelles l’idée du pain, du sucre et du bois à bon marché avait naturellement obtenu beaucoup de faveur. D’abord, on s’en souvient, sir Robert Peel refusa absolument de s’expliquer. En vain, pendant la courte session qui suivit la chute du ministère whig, fut-il de la part des whigs et des radicaux l’objet des attaques les plus vives et des reproches les plus amers ; en vain lord John Russell alla-t-il jusqu’à lui dire que le pays avait faim et ne pouvait attendre : sir Robert Peel répondit froidement que, s’il était coupable pour ne pas proposer en un mois le changement de la loi des céréales, le ministère whig l’était bien davantage, lui qui avait gardé cinq ans le pouvoir sans y songer. Sir Robert Peel persista donc à demander du