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ration les efforts gigantesques de vos pères pour défendre non seulement l’honneur et les institutions du pays, mais l’intérêt du monde entier. Avez-vous dégénéré de vos pères, et ne vous sentez-vous pas le courage nécessaire pour lutter contre le mal dont vous êtes atteints ? Pour moi, j’ai rempli mon devoir en vous proposant les mesures qui m’ont paru de nature à vaincre ce mal. C’est sur vous que repose maintenant toute la responsabilité. J’ai la ferme confiance que vous vous montrerez dignes de votre mission, et que vous ne ternirez pas le nom que vous devez chérir comme votre plus glorieux héritage. Imitez ceux qui vous ont précédés, et sachez aussi faire quelques sacrifices à l’honneur, à la sûreté, à la grandeur de votre pays. »

Au premier moment, on eût cru que toute la chambre applaudissait à ce langage, et que l’opposition désarmée allait se joindre au parti ministériel pour voter d’enthousiasme le projet de sir Robert Peel. Au dehors aussi l’admiration égala la surprise, et pendant huit jours le pays entier parut prêt à accepter avec joie le sacrifice qu’on lui demandait ; mais l’esprit de parti et l’intérêt privé reprirent bientôt la parole, et quinze jours après, par une singulière réaction, on eût dit au contraire que le plan ministériel, si bien accueilli d’abord, n’avait plus dans la chambre et dans la presse un seul partisan dévoué. À deux ou trois radicaux près, l’opposition annonça qu’elle combattrait le bill jusqu’à la dernière extrémité, et pour commencer, elle empêcha, par une suite d’ajournemens, qu’aucune des résolutions proposées fût votée avant les vacances de Pâques. Le parti ministériel, de son côté, manifesta des inquiétudes, indiqua des amendemens ; enfin le silence singulier des principaux collègues de sir Robert Peel put faire supposer un moment qu’ils se souciaient peu de se compromettre avec lui. Au milieu de ces difficultés, sir Robert Peel ne fléchit pas, et, toujours sur la brèche, il fit face à tous ses adversaires. « Sans doute il est pénible de venir, après vingt-cinq ans de paix, proposer le rétablissement d’une taxe de guerre ; mais à qui faut-il s’en prendre ? Quand vous, whigs, vous avez pris le pouvoir, vous avez trouvé dans les finances des deux empires (l’Angleterre et l’Inde) un surplus annuel de 3,000,000 liv. (75 millions), qu’en avez-vous fait ? Aujourd’hui nous avons, grace à vous, à couvrir dans les deux empires un déficit annuel de 5,000,000 liv. (125 millions), sans compter, en Angleterre seulement, un déficit arriéré de près de 8,000,000 liv. Ne nous reprochez donc pas le résultat de votre imprévoyance, de votre inhabileté. Est-il d’ailleurs vrai que nous soyons