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celle qui, n’aspirant point au pouvoir, se permet toutes choses, et, quand l’occasion s’en présente, trouve un certain plaisir à faire pièce à ses alliés au profit de ses ennemis. Je vois aussi un homme d’esprit, M. Duncombe, qui, dans cette session, a joué un rôle important, mais qu’on ne sait où saisir, aujourd’hui donnant la main à lord John Russell, demain présentant la pétition chartiste et fraternisant sur les hustings avec le fameux Fergus O’Connor. C’est M. Duncombe qui, lors de l’enquête Roebuck, imagina de demander que chacun des membres qui feraient partie du comité fût tenu de jurer qu’il n’avait jamais usé lui-même de corruption électorale. « Quant à moi, ajouta-t-il, je déclare que je ne puis prêter un tel serment, et qu’il m’en a beaucoup coûté pour avoir l’honneur de siéger parmi vous. » C’était une assez bonne plaisanterie ; mais il n’y a certes rien là qui annonce un chef du parti radical.

Dans les rangs des radicaux plus modérés, on trouve des membres consciencieux, utiles, tels que M. Villiers, M. Ward, M. Charles Baller, M. Evans et quelques autres, mais sans qu’aucun ait assez d’autorité et de talent pour occuper le premier rang. Un moment on avait cru qu’un romancier célèbre, sir Edward Bulwer, donnerait au parti radical ce qui lui manque à cet égard ; mais sir Edward Bulwer, qui depuis deux ou trois ans s’était à peu près retiré de la scène politique, n’a point été réélu en 1841, et reste hors du parlement. Si je ne dis rien d’O’Connell et de Shiel, c’est qu’en les comptant au nombre des radicaux, ils forment, avec leurs amis, une fraction tout-à-fait à part dans ce parti, une fraction qui, plus que toute autre peut-être, est exclue du pouvoir. M. Shiel pourtant n’oublie pas que, dans le dernier ministère, il occupait un poste important : en cas de réaction, il peut en occuper un semblable ; mais Irlandais et catholique, l’Angleterre protestante, quel que soit son talent, ne souffrira de longtemps qu’il aspire à la direction d’un ministère ou même d’une opposition.

Point de but précis, point de chefs reconnus, telles sont, dans la chambre des communes, les causes de faiblesse du parti radical, quand il se sépare des whigs.

Au dehors, il a plus d’action, et la portion moyenne des classes industrielles paraît graviter vers lui. C’est par ses efforts surtout qu’a été organisée l’association contre la loi des céréales, association qui, sans entraîner le pays après elle, comme elle s’en flattait d’abord, n’en a pas moins exercé une certaine influence sur les dernières réformes. Cette association, d’ailleurs, existe encore, et doit, si elle