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Prusse est loin d’avoir vu décliner la production de ses manufactures. Pendant les quatre premières années, le nombre des métiers à cotonnades en activité s’est accru de moitié dans le royaume : il était de 31,759 en 1833 ; en 1837, il s’était déjà élevé à 45,013, et il n’a pas cessé d’augmenter depuis. Il ne faudrait pas supposer que cet accroissement se fût opéré aux dépens de la manufacture saxonne, qui a pris au contraire, dès la signature du traité, un notable développement. En 1833, la filature du coton comptait, en Saxe, 320,000 broches, et 370,000 en 1838[1] ; l’industrie du tissage avait suivi la même impulsion. L’activité imprimée aux manufactures de la Prusse et de la Saxe, par le fait de l’association allemande, est due principalement à la suppression de la contrebande. Il n’y a pas une grande témérité à penser que l’union de la France et de la Belgique aurait les mêmes résultats.

IV.

Les mêmes opposans qui estiment la Belgique trop grande, trop forte et trop riche, lorsqu’il s’agit pour eux de soutenir la concurrence de ses produits, la trouvent trop petite, trop faible et trop pauvre, quand il est question de mesurer l’étendue des débouchés qu’elle peut nous ouvrir comme marché de consommation. On dit, en appuyant sur cette différence relative dans les nombres de la population : « La Belgique n’a que quatre millions d’habitans, et la France en a trente-six millions[2]. Le marché que les Belges nous offrent a donc une importance neuf fois moindre que celui dont nous allons les mettre en possession. »

La chambre de commerce de Bordeaux fait remarquer avec raison que l’objection est sans valeur, ou qu’elle s’applique avec la même force à chacun de nos départemens, à chacune de nos anciennes provinces, à l’Alsace, à la Flandre, à la Normandie. « Si le sort des armes ou des arrangemens européens avait joint la Belgique à la France, quelqu’un aurait-il osé dire que l’adjonction de ces riches provinces était un malheur commercial pour notre pays ? Non certes, car il est bien évident que cette conquête d’une population riche, intelligente, laborieuse, aurait été regardée comme une notable augmentation, non-seulement de nos forces matérielles, mais de nos forces financières et industrielles… Sans doute la Belgique n’est pas politiquement française, mais elle le serait commercialement dès que la ligne de douane n’existerait plus. »

L’argument des adversaires de l’union va plus loin qu’ils ne le supposent eux-mêmes. Si une nation ne doit en effet traiter, dans l’intérêt de ses échanges

  1. Des douanes allemandes par MM. De la Nourais et Bères.
  2. D’après les tableaux du dernier recensement, la population totale du royaume s’élevait, en 1841 à 34,494,875 habitans ; mais on sait que la plupart des administrations communales ont atténué le chiffre réel de leur population.