Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/875

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
871
REVUE. — CHRONIQUE.

Il n’est qu’une issue désirable pour le régent, c’est l’issue que le sénat a évidemment voulu prévoir, et qui est heureusement la plus probable. Espartero doit désirer que les Catalans, après un semblant de résistance, lui demandent un arrangement. Ce n’est pas à une victoire, c’est à une transaction qu’il doit aspirer, non-seulement dans l’intérêt de l’humanité et du pays, mais dans son propre intérêt.

Une lutte prolongée, une issue trop sanglante, pourraient avoir un fâcheux contre-coup à Madrid. La représentation nationale grandirait de tout l’abaissement moral d’Espartero. Et si quelques esprits téméraires pouvaient s’aveugler au point d’insinuer au régent la pensée d’un coup d’état, nous croyons qu’il aurait le bon sens de leur répondre que le général Espartero n’a pas conquis l’Italie et gagné la bataille des Pyramides.

L’Angleterre vient d’accomplir de grandes choses dans l’Inde et à la Chine. La fortune a récompensé les tories de leur bonne conduite. Ces résultats raffermissent le ministère Peel, et, en lui assurant un long avenir, ils doublent ses forces et son autorité morale. L’évacuation de l’Afghanistan peut maintenant s’effectuer sans blessures pour l’honneur britannique. Le traité avec la Chine peut ouvrir au commerce anglais un monde nouveau.

Sans doute il y aurait folie à imaginer qu’une paix perpétuelle va commencer demain entre le céleste empire et la Grande-Bretagne. Les Chinois éprouveront d’amers regrets ; ces relations intimes avec les barbares blesseront leur orgueil. De leur côté, les agens subalternes de l’Angleterre ne tarderont pas à se montrer de plus en plus exigeans, et à mettre la morgue anglaise aux prises avec la vanité chinoise. Il pourra y avoir des infractions au traité, de nouvelles luttes. Il est également possible que l’Angleterre rencontre à Pékin des adversaires cachés, que le gouvernement chinois ne manque pas de conseillers et d’instigateurs étrangers. Qu’importe ? Il n’est pas moins vrai que les barrières qui séparaient la Chine de l’Europe sont brisées. Et pourquoi ne le reconnaîtrions-nous pas ? En les brisant, l’Angleterre a fait une chose utile au monde entier. Elle a élargi le champ de la civilisation européenne, de l’industrie, du commerce. — L’Angleterre n’a pensé qu’à elle-même. — Soit ; mais en politique ce n’est guère des intentions, mais des faits et des résultats, qu’il faut tenir compte. Quels que soient les désirs et les intentions de l’Angleterre, elle n’a rien stipulé d’exclusif avec la Chine. Elle n’a stipulé que pour elle-même, cela est tout simple ; mais rien n’empêche le gouvernement chinois de conclure des traités analogues avec tout autre gouvernement, d’ouvrir son marché aux autres nations commercantes.

Il y a plus, un commerce exclusif serait au fond aussi contraire aux intérêts de la Chine qu’à ceux de l’Angleterre ; la Chine se priverait des bénéfices de la concurrence ; l’Angleterre, de son côté, exciterait par le monopole toutes les autres nations, en particulier la Russie, la Hollande et les États-Unis, à lui susciter toute sorte de difficultés et d’embarras en Chine. C’est bien alors que les Chinois pourraient facilement obtenir des armes, des officiers, des instructions, qui ne tarderaient pas à les mettre en état de résister