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que des grandes masses, négligeant tout détail, distribuant la couleur sur la toile par larges empâtemens que la truelle plutôt que le pinceau semble avoir étendus, tant le coloris est terne, tant l’aspect du tableau est rugueux, et lourd. Le métier fait cependant le charme de certains tableaux, des tableaux de l’école hollandaise par exemple ; et ces mêmes paysagistes anglais dont nous critiquons les imperfections comme peintres à l’huile l’ont poussé à une rare perfection dans leurs peintures à l’aquarelle, ils doivent au métier seul leurs étonnans succès dans ce genre. Pour ma part, je préfère, et de beaucoup, les grandes aquarelles des Turner, des Fielding, des Stanfield et des Harding, à leurs peintures à l’huile, trop souvent négligées. Ces artistes, auxquels nous devons joindre MM. Callow, Girtin, Cattermole, Prout, Glover et Valey, ont porté ce genre, en apparence si borné, à une hauteur inattendue, et cela au moyen des procédés les plus ingénieux et en même temps les plus chanceux, car, ils l’avouent eux-mêmes, il y a beaucoup de hasard, même dans l’exécution de leurs meilleurs ouvrages. À l’aide d’un habile emploi de la gouache, ils ont donné à l’aquarelle une solidité qu’elle n’avait pas, et ont accru, s’il est possible, la transparence et la suavité de ses teintes si délicates. Nous savons bien que l’on peut reprocher à quelques-uns de ces artistes, à MM. Turner et Copley-Fielding entre autres, une imitation par trop littérale des chefs-d’œuvre de Claude Lorrain, surtout dans les couchers de soleil ; mais leurs larcins sont si habilement dissimulés, et l’assimilation est si parfaite, que l’on oublie et que l’on admire. Il y a loin sans doute de ce genre secondaire à la grande peinture ; cependant la perfection dans les arts est si rare, qu’il faut savoir l’apprécier partout où elle se rencontre.

Sir Thomas Lawrence, en mourant à l’apogée de la gloire, de la fortune et du talent, avait laissé à ses successeurs, MM. Philips, Pickersgill, Ballantyne, Eastlake et Hayter, une rude tâche à remplir. Les deux premiers ont soutenu, avec assez de bonheur, la gloire de cette école aristocratique fondée par Reynolds et continuée par Lawrence leur maître. Peintres de la haute société anglaise, ils ont su, à l’exemple du maître, conserver à chacun de leurs personnages ses mœurs, son port, ses habitudes même, tout en l’entourant de cette atmosphère de poésie officielle, à l’aide de laquelle les peintres de la Grande-Bretagne se sont plu à caractériser ce genre de supériorité sociale que donnent la naissance ou le génie. Les portraits de M. Alexandre de Humboldt et de l’évêque de Salisbury, par M.  Pic-