vétérans des campagnes d’Italie, l’avantage de répandre leur nom à travers l’Europe. Bien que vaincus, ils sentirent se développer en eux, par la résistance qu’ils opposaient à de tels vainqueurs, un plus haut sentiment de leur force et de leurs destinées. La mise en scène de ce long drame, telle que nous l’offrent les piesmas nationales, mérite d’être connue : la Chute de Venise est le premier de ces chants militaires.
« Deux hommes puissans se querellent pour la couronne du doge de Venise ; l’un est le césar de Vienne, l’autre est le kral Bonaparte. Le jeune kral écrit au césar : Si tu ne veux pas me céder Venise, j’irai avec mes Français brûler tous tes villages, prendre tes châteaux et ta blanche capitale ; j’entrerai à cheval dans ton propre divan, et changerai ton palais en hôpital. Je te chasserai de la terre germanique ; Prague la dorée et ta ville de Milan deviendront ma proie ; je t’enlèverai l’Istrie, la Dalmatie et Kataro, et je reviendrai prendre mon repos royal dans Venise.
« Le césar, ayant reçu cette lettre, assemble ses seigneurs et la leur communique : tous sont consternés, tous parlent de soumission, les seuls archiducs protestent, et on se décide pour la résistance. À cette nouvelle, le kral Bonaparte s’écrie : — Pauvre césar de Vienne ! tu oses donc entrer en lutte avec la France ; eh bien ! soit ! — Et il part avec ses Français, brûle villes et villages, et traverse toutes les provinces, en dépit du puissant Kutuzov, accouru de Moskovie au secours du césar des Germains. Et ni le césar, ni Kutuzov, n’osèrent barrer le passage à Bonaparte, qui entra sans coup férir dans Vienne, où il fit mille railleries sur le pauvre césar. Puis il s’élança vers Milan, qui, défendue par un général slave, Philippe Voukassovitj, ne se rendit qu’au bout de trois jours ; maître de Milan, il promena ses armes par toute l’Italie, et vint, comme il l’avait promis, prendre son repos royal dans Venise. »
« Alors, dit dans un article officiel la Grlitsa[1], les Français, par le traité de Campo-Formio, livrèrent les bouches de Kataro à l’empire d’Autriche, oubliant que, lorsqu’en 1410 Kataro se donna volontairement aux Vénitiens, cette ville posa pour condition que, si un jour Venise n’était plus en état de les protéger, les habitans des bouches reprendraient leur première liberté, sans pouvoir être légitimement cédés à aucune autre puissance. Ce ne fut donc pas sans douleur qu’ils se virent, contre toute justice, adjugés à l’empereur romain, et leurs principaux knèzes résolurent d’envoyer une députation au vladika des Tsernogortses pour lui demander conseil et secours. »
Depuis ce moment, le vladika fut regardé par une grande partie des Serbes maritimes comme leur protecteur naturel, et son in-
- ↑ Tome IIe, 1836.