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terons d’abord. Comme la pensée en remonte à 1833, il est venu prouver aux peuples d’ancienne race que les hommes suscités par une révolution mal comprise avaient dès cette époque le sentiment des besoins d’un état où tout était à refaire, où tout restait à établir. Dans l’insurrection universelle de septembre, le cri de la patrie avait étouffé la voix des intérêts matériels. À ne l’envisager qu’au point de vue des convenances économiques, la formation d’un royaume néerlandais, composé de la Belgique agricole et industrielle d’une part, et de la Hollande maritime et coloniale de l’autre, promettait d’être singulièrement avantageuse aux deux peuples, et le congrès de Vienne avait plus mal parqué d’autres populations. Pendant quinze ans, la Belgique fut un immense atelier monté pour la fabrication des moyens d’échange entre les Indes hollandaises et leur métropole, et le port d’Anvers était devenu, aux dépens de Rotterdam et d’Amsterdam, l’issue naturelle par où les produits d’un florissant travail se dirigeaient vers ces possessions lointaines. Le divorce, consommé de fait en 1830, eut un double résultat immédiat, de relever le commerce du nord et de fermer son unique débouché à l’industrie du midi. À peine la Belgique se fut-elle constituée, qu’elle ressentit le malaise de ce brusque déplacement. Son gouvernement, au sein même des embarras sans nombre qui entravaient sa marche et le forçaient de pourvoir d’abord à l’imprévu de la journée, se mit dès-lors en quête d’une direction nouvelle dans laquelle il pût jeter tant d’activité, et pensa surtout à creuser un autre lit au commerce d’Anvers, dont le cours avait été si brusquement interrompu. Le projet primitif d’un chemin de fer rhénan n’avait pas d’autre but. M. Rogier, ministre de l’intérieur alors, fut le promoteur de cette belle idée, qui consistait à faire d’Anvers l’entrepôt de l’Allemagne, en concurrence avec Rotterdam et Hambourg. Le Rhin descend vers la mer du Nord par les embouchures de La Meuse ; on le ferait dériver dans l’Escaut au moyen de l’une de ces voies récemment inventées, dont les voyageurs qui revenaient d’Angleterre racontaient les prodiges. Le projet avait de la grandeur, assurément ; mais plus d’un problème, d’une solution difficile, en obscurcissait la perspective. Premièrement, l’Allemagne était hostile encore à la Belgique, la Prusse surtout, qui avait à redouter pour ses provinces catholiques du Rhin le contact plus étroit d’un peuple à la fois religieux et révolutionnaire ; puis, le gouvernement central n’avait point la force qu’on lui voit aujourd’hui, et l’on savait l’opinion très peu disposée à confier à l’état des travaux qui,