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s’y rencontrent de cinq lieues en cinq lieues, celles-ci ne sont plus séparées les unes des autres que par quarante minutes de trajet. Le rapprochement a été moral, en même temps que mathématique ; avant peu il aura fait disparaître les anciennes rivalités des cités et des provinces, en rendant désormais leur isolement impossible. Et d’un autre côté, nous l’avouons avec peine, il en résulte que momentanément du moins, la Belgique se trouve rejetée plus loin de la France qu’elle ne l’était naguère. Ainsi, Mons, ville presque française, a reculé vers le nord et touche aux portes de Bruxelles, tandis qu’il y aura comparativement un abîme de distance entre la frontière et Paris aussi long-temps que la vapeur ne l’aura point franchie.

En même temps qu’il posait les bases de cette utile entreprise, le gouvernement belge s’appliquait à favoriser, dans la limite de son action, les progrès du génie national. Ici les circonstances vinrent en aide à sa bonne volonté, car l’essor de l’intelligence ne se décrète pas comme les travaux de l’industrie. Il se trouva que le mouvement des esprits avait accompagné parallèlement celui de la révolution. Au moment où ce pays se préparait pour le combat qui le devait élever au rang de peuple, un autre fait, témoignage moins éclatant, mais plus irrécusable peut-être de sa régénération, s’accomplissait dans une sphère supérieure. Nous voulons parler de la renaissance de l’art flamand ; cet évènement remonte à l’année qui précéda l’explosion révolutionnaire. Sous le gouvernement de la maison d’Autriche, tout s’était éteint successivement en Belgique, la peinture, cet art essentiellement indigène, comme le reste. D’ailleurs, le passage du XVIIIe siècle fut marqué partout en Europe par la décadence des grandes écoles. La peinture flamande laissa se rompre alors la chaîne de ses traditions qui s’était perpétuée jusque bien après la mort de Rubens. Au temps où la Belgique fut absorbée par la république française, il n’y existait plus d’école proprement dite, il n’y restait plus rien qui pût combattre l’influence de David, dont la domination n’était bonne que pour un pays où l’art avait été forcé de revenir, par le rigorisme du style classique, à la conscience de sa dignité. Ce style fit donc invasion dans la patrie de Rubens à la suite de l’armée conquérante ; aucune manière cependant ne pouvait être plus contraire à la nature du génie flamand que la sécheresse pompeuse d’un pareil maître. Maladroitement imitée, elle ne parvint pas à produire, dans l’espace de vingt-cinq années, un seul peintre d’histoire dont les tableaux supportent aujourd’hui l’examen. Elle eut au moins pour effet indirect de ranimer le goût de la grande peinture ; les ateliers