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REVUE. — CHRONIQUE.

sont, pour ainsi dire, l’expression la plus adoucie, la plus décolorée, et qui pourraient à volonté se dire les derniers d’un parti ou les plus avancés du parti voisin.

Ces trois partis pris chacun dans son ensemble, nul ne peut les confondre ; la gauche a trouvé insuffisant, mauvais, tout ce qui a été fait par le gouvernement fondé en juillet ; les légitimistes, on sait ce qu’ils rêvent ; les conservateurs ont été les hommes du gouvernement de juillet ; ce qu’il a fait, ils l’ont fait ; ce qu’il a voulu, ils l’ont voulu ; c’est par eux qu’il s’est consolidé, qu’il a résisté à ses ennemis, fondé ses institutions, gouverné la France.

Mais qu’on le remarque, aucun de ces trois partis n’est parfaitement homogène. Par une sorte de symétrie qui n’est pas un hasard, chaque parti se trouve divisé en deux nuances principales. La gauche se compose de la gauche proprement dite et de l’extrême gauche. Il y eut un temps où ces deux nuances avaient chacune un représentant direct et avoué, hommes de valeur l’un et l’autre, M. Odilon Barrot et M. Garnier-Pagès. Nous ne savons si l’extrême gauche a pu remplacer l’habile orateur qu’elle a perdu, celui qui savait, sans les éluder, ne pas se briser contre les difficultés les plus ardues de la tribune, froisser la majorité sans la révolter, et se faire écouter de ceux que certes il ne pouvait convaincre.

Le parti légitimiste compte dans ses rangs des hommes ardens et des hommes politiques, des hommes contens et fiers de leur rôle de jacobites, et des hommes qui en sont fatigués, qui, après tout, ne peuvent pas, avec la conscience de leurs moyens, se réjouir d’une vie qui s’écoule dans une impuissance presque obscure et dans la poursuite d’une chimère.

Quant au parti conservateur, hélas ! qui ne connaît les deux nuances qui le distinguent ? Ce qu’il y a de déplorable, c’est que de ces nuances on veut en faire une cause de division, et que les uns et les autres sont également fiers de leurs erreurs, orgueilleux de leurs propres fautes. C’est une armée qui en se divisant prête le flanc à l’ennemi, et qui se vante de sa stratégie ! C’est pitié d’entendre certains hommes du centre droit parler de leurs confrères du centre gauche, et réciproquement. Mais qui êtes-vous ? D’où venez-vous, les uns et les autres ? Qui a fondé la monarchie de juillet ? Qui a tenu tête à l’émeute ? Qui a proposé, conseillé, voté les lois de répression ? Qui a refusé l’intervention armée en faveur de l’Italie, de la Pologne ? Qui a défendu les fortifications de Paris, la loi de régence ? Encore une fois, vous tous, hommes du centre droit, hommes du centre gauche, vous n’êtes qu’un seul et même parti, le parti conservateur, le parti du gouvernement, le parti de la liberté, de l’ordre et de la paix. On ne renie pas ainsi toute sa vie politique pour une pique, pour des querelles d’amour-propre, pour des malentendus. Lorsque les ministériels renforcés, les boutefeux du parti, s’écrient que les homme du centre gauche sont des révolutionnaires, ils savent bien qu’ils exagèrent, qu’ils ne disent pas la vérité, que ce n’est là que de la mauvaise rhétorique pour éblouir et entraîner les esprits faibles, ces politiques de village qui peuvent ruminer un mois durant une grosse phrase, un mot vide de sens. Et lorsque