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REVUE DES DEUX MONDES.

aujourd’hui des allures plus dégagées ; il imite Voltaire et Montesquieu, et ne laisse à ses récits que l’autorité de sa parole. Le lecteur y perdra peu de chose, et M. Capefigue y gagnera beaucoup, car la critique, qui l’a si vivement harcelé à l’occasion des nombreux manuscrits qu’il a découverts, des nombreux titres qu’il a refaits en les citant, n’aura maintenant pour toute pâture que les pompes de son style et sa chronologie, qui ne concorde pas toujours avec l’Art de vérifier les dates. Soyons juste cependant ; M. Capefigue a profité ; il a retouché le pittoresque, estompé l’enluminure, et s’il a eu le tort d’enlever les notes au lieu de les vérifier, c’est que probablement, tout imbu qu’il était de l’étude de la Saint-Barthélemy, il aura cru devoir appliquer à son livre la théorie des rigueurs salutaires.


— Un roman de Mme Charles Reybaud, l’Oblat, déjà publié dans cette Revue, vient d’être réuni en volumes sous le titre du Moine de Châalis[1]. Il est superflu de rappeler à nos lecteurs les qualités qui distinguent une œuvre qu’à coup sûr ils n’ont pas oubliée. Ce sont celles qu’on a plus d’une fois pu reconnaître et applaudir dans les romans de l’aimable écrivain, le vif instinct du drame et du récit uni à une sensibilité délicate et à une observation de la vie réelle que l’attention la plus sévère ne trouve jamais en défaut. Le Moine de Châalis prendra rang parmi les plus heureuses productions de cette plume élégante et facile à laquelle on doit déjà tant de charmans récits.


M. Théophile Gantier vient de publier, sous le titre de Tra los Montes[2], l’œuvre où il a recueilli les souvenirs de son voyage en Espagne. Les pages consacrées dans cette Revue même à Grenade, à Cordoue, à Séville, par l’auteur de Tra los Montes, nous dispensent de nous étendre sur ce livre, où l’on retrouve la verve et l’originalité du spirituel écrivain. C’est en artiste et en poète que M. Gautier a vu l’Espagne ; la description des lieux tient une grande place dans Tra los Montes, mais qui voudrait s’en plaindre après avoir lu les peintures à la fois exactes et brillantes que trace le voyageur des splendides paysages et des monumens si magnifiques et si variés de la Péninsule ? La physionomie et le caractère des habitans n’ont pas trouvé en M. Gautier un observateur moins fidèle. Il a su faire revivre dans toute leur vérité les figures étranges, les types rudes et fiers qui ont inspiré Velasquez et Ribera. Une place est acquise désormais au nouvel ouvrage de M. Gautier parmi les plus piquans et les plus fidèles tableaux de l’Espagne moderne.


V. de Mars.
  1. Chez Dumont, Palais-Royal.
  2. vol. in-8o, chez Magen, quai des Augustins.