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Toute personne qui s’oppose à l’exercice des fonctions de l’inspecteur est passible d’une amende de 10 liv. st. (250 fr.). L’inspecteur est autorisé à faire tous les règlemens que la bonne exécution de la loi lui paraît exiger. Il a le droit de demander au chef d’industrie tous les renseignemens dont il croit avoir besoin relativement aux personnes qu’il emploie et au travail qu’elles accomplissent. La loi lui confie d’ailleurs, sur les constables et les autres agens de police, les pouvoirs et la juridiction attribués aux juges-de-paix. Enfin l’inspecteur doit, deux fois par an, réunir, dans un rapport adressé au ministre de l’intérieur, toutes les observations qu’il a recueillies sur l’exécution de la loi, tous les renseignemens qu’il a obtenus sur la condition des classes ouvrières avec lesquelles soit par lui-même, soit par ses agens, il est continuellement en contact. Ces rapports sont imprimés et distribués aux membres des deux chambres, qui sont ainsi toujours tenus au courant de l’état de la population manufacturière.

Il suffit d’avoir parcouru quelques-uns de ces précieux rapports pour comprendre que le système d’inspection qu’elle a établi est la partie vraiment excellente de la loi anglaise sur le travail des enfans. On ne saurait se faire une idée de l’intérêt et de la valeur des renseignemens que les inspecteurs ont fournis sur la condition de la population industrielle du royaume-uni. La statistique, l’économie politique et la politique leur sont également redevables. Les résultats généraux de leur mission dominent tellement d’ailleurs la spécialité pour laquelle ils ont été créés, qu’on ne les appelle plus, comme ils le sont réellement en effet, que les inspecteurs des manufactures (inspectors of factories).

Mais pour ce qui regarde particulièrement les effets produits par la loi depuis qu’elle a été promulguée jusqu’à l’année dernière, on peut se dispenser de recourir à ces volumineux documens ; on en trouve l’aperçu le plus complet dans un rapport présenté en 1841 à la chambre des communes par une commission, sous la présidence de lord Ashley, qui avait été chargée de faire une enquête sur les résultats de la loi jusqu’à cette époque, et sur les amendemens et les développemens qu’elle réclamait.

En Angleterre comme en France, durant la discussion de la loi, ses adversaires prétendaient qu’elle jetterait la perturbation dans les conditions du travail, que les fabricans seraient obligés de se passer des enfans compris dans la catégorie pour laquelle la durée du travail était fixée à 8 heures par jour ; ils disaient, en effet, que, dans la plupart des manufactures où ils étaient employés, les enfans étaient attachés comme auxiliaires aux ouvriers adultes, et qu’enlever à ceux-ci, pendant une partie de la journée, les mains dont ils ne pouvaient se passer, ce serait diminuer forcément aussi leur journée de travail. Cette prévision s’est réalisée en partie dans l’application de la loi aux manufactures anglaises. En 1839, la dernière année pour laquelle l’enquête donne des chiffres officiels, le nombre des ouvriers de tout âge employés dans les manufactures soumises à la législation sur le travail des enfans était de 417,232, parmi lesquels on comptait 193,531 enfans ou jeunes