Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
TRAVAIL DES ENFANS DANS LES MINES.

Pour nous, qui savons bien que tous les effets que les promoteurs les plus ardens de cette législation s’en promettaient ne sont pas d’une réalisation facile, nous ne sommes nullement disposé à montrer à cet égard au gouvernement de trop sévères exigences. Nous serions bien aise pourtant de savoir où en est l’exécution de la loi, car nous pensons qu’elle renferme des principes au développement desquels il faut veiller, et l’exemple de l’Angleterre nous prouve qu’elle met entre les mains du pouvoir un instrument de gouvernement qu’il serait inhabile, sinon coupable, de négliger. Nous avons vu que la partie forte de la loi anglaise est le système de grande surveillance sociale qu’elle a appliqué à l’industrie. Dans ce moment même où les questions industrielles semblent devenir aussi chez nous les plus importantes, il est évident que l’on ne saurait réunir trop d’élémens d’instruction pour connaître à fond tous les intérêts engagés dans l’industrie. Le gouvernement ne doit donc pas hésiter à profiter de la faculté que la loi de 1841 lui donne d’organiser un système d’inspection destiné à surveiller l’application de la loi. Qu’il imite l’Angleterre, qu’il crée des inspecteurs de l’industrie : c’est d’abord le moyen d’avoir pour l’exécution de la loi de 1841 un contrôle actif et par conséquent efficace. Livrés à la publicité, les rapports périodiques que le gouvernement exigera fourniront d’ailleurs à la presse, aux économistes, aux hommes politiques des données fécondes. Les questions qui touchent à la condition des classes laborieuses, ces questions que l’intérêt non moins que le devoir commande de ne jamais perdre de vue, seront ainsi constamment à l’étude. Et que l’on ne s’effraie pas à l’idée d’appeler la publicité et la discussion sur la condition des ouvriers ; si cette condition renfermait de graves dangers, qu’on ne croie pas qu’il serait imprudent de les regarder en face, de les examiner au grand jour : c’est bien plutôt au contraire l’ignorance qui aggrave ici le danger.

Toutes les considérations se réunissent donc à l’appui du vœu que nous formons ici : l’intérêt politique et l’intérêt d’humanité sont d’accord. L’objet que se propose la loi sur le travail des enfans ne sera atteint que lorsque le système d’inspection sera solidement organisé, et par la création des inspecteurs de l’industrie on ouvrira une voie qui, en France non moins qu’en Angleterre, ne peut manquer de conduire aux plus heureux résultats.


P. Grimblot.