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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/182

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REVUE DES DEUX MONDES.

s’en contenter. Faibles encore, et sans marine, ils n’étaient point en état de recourir à la force. Un changement utile venait d’être opéré dans leur constitution, dont le fruit n’était pas encore recueilli. Washington, assis le premier dans le fauteuil de la présidence, jugea qu’une guerre entreprise dans ce moment serait funeste aux États-Unis et arrêterait pour long-temps le cours de leur prospérité naissante ; qu’il fallait, avant de s’y déterminer, avoir épuisé tous les moyens de négociation. Il fit partir un envoyé extraordinaire pour Londres, chargé de demander que les bâtimens américains ne fussent plus visités, et de négocier en même temps un traité de commerce et la restitution des forts sur les lacs, promise par le traité de 1783.

Les deux derniers points furent accordés sans difficulté. Un traité de commerce avantageux fut conclu ; mais, sur le droit de visite, le cabinet de Londres fut inflexible : il promit seulement des indemnités pour les retards qui seraient causés, pour les erreurs qui pourraient être commises. Le négociateur crut devoir accepter ce qui était accordé, et s’en remettre au temps pour obtenir le reste.

La nouvelle de ce traité causa un vif mécontentement aux États-Unis. On fut plus sensible à l’omission qu’il renfermait qu’aux avantages qui y étaient contenus. Des pétitions furent adressées au président et au sénat pour qu’il ne fût point ratifié. La chambre des représentans alla plus loin, elle adressa un message au président pour demander communication des instructions qui avaient été données au négociateur. Le président n’eut garde d’abandonner celui-ci, qui n’avait pas violé ses instructions, ni de donner la communication demandée. Il répondit qu’au sénat seul appartenait de ratifier, avec lui, les traités, et qu’obligé par son serment de respecter et faire respecter la constitution, il ne ferait rien contre la démarcation qu’elle avait établie entre les pouvoirs. Cette opposition de la chambre des représentans n’empêcha point la ratification du traité. Le président et le sénat pensèrent qu’il serait insensé de renoncer volontairement aux avantages qu’il renfermait, que le silence gardé sur le droit de visite n’en était pas la consécration ; que les protestations ne subsistaient pas moins, et que la restitution des forts et le traité de commerce seraient, pour les États-Unis, des moyens d’arriver à faire respecter leurs droits par la force, la première en mettant dans leurs mains des positions militaires importantes, le second en développant leur prospérité et leur richesse. L’opinion ne tarda pas à reconnaître la sagesse de cette résolution,