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DU DROIT DE VISITE.

piraterie, ils suffiraient encore pour la réprimer comme pour réprimer la traite des noirs. Les États-Unis avaient eu trop à souffrir du droit de visite pour lui ouvrir la porte, sous quelque forme que ce fût. Ils ne permettraient pas, en temps de paix, une inquisition qu’ils avaient repoussée en temps de guerre, et, si on tentait de l’exercer malgré eux, ils sauraient faire respecter ce morceau d’étamine dont on parlait avec tant de dédain. »

Une telle correspondance, publiée en France dans le moment où la même question allait s’y agiter, ne pouvait manquer d’agir fortement sur les esprits. Le ministre des États-Unis à Paris ne resta pas non plus inactif. Sentant toute la gravité, pour son pays, du traité conclu entre la France et l’Angleterre, il présenta, le 13 février, au ministre des affaires étrangères une note qui fut publiée quelque temps après, dans laquelle il témoignait son regret de voir la France s’engager dans cette politique, et demandait si elle induirait du traité, comme l’Angleterre, la nécessité de vérifier la nationalité des bâtimens américains, auquel cas la paix serait inévitablement troublée entre les deux pays. Il rappelait les luttes qu’ils avaient soutenues ensemble pour la liberté des mers. Verrait-on, disait-il, la France déserter cette cause et se ranger du côté de l’Angleterre contre les États-Unis, après que les deux nations avaient si long-temps combattu sous le même drapeau ? Une brochure, qui lui fut attribuée, parut dans le même temps, pleine du récit des maux causés par le droit de visite. Elle rappelait les paroles par lesquelles un Anglais lui-même, lord Stowell, avait condamné d’avance la prétention élevée aujourd’hui par son gouvernement, de vérifier la nationalité des bâtimens américains malgré eux. Lord Stowell, tout en maintenant le droit de visite en temps de guerre, revendiqué par son pays, n’admettait pas qu’on pût l’exercer en temps de paix sans le consentement des parties. « Aucune nation, avait-il dit, ne pouvait exercer un droit de visite sur les bâtimens dans les portions communes de l’Océan qu’à titre de puissance belligérante ; aucune n’avait le droit de poursuivre l’émancipation de l’Afrique par la force aux dépens des libertés de l’Europe ou de l’Amérique. Il n’était pas permis, en vue de l’avantage le plus grand, de recourir à des moyens illicites, et, pour faire triompher un principe, de renverser les principes non moins sacrés qui lui faisaient obstacle. » L’auteur, à l’appui de ces plaintes contre la marine anglaise, citait aussi ce passage d’un journal anglais (le Sun), qui contenait l’aveu de sa conduite : « L’habitude de l’arbitraire parmi nos officiers de marine, disait-il, est engendrée