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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

clamer les titres du roi, sortit tout à coup du kraal, pour nous donner un aperçu de la biographie de sa majesté, dit le capitaine Harris. Marchant doucement vers les chariots, il commença la scène par un rugissement et un bond, imitation frénétique des allures du roi des animaux ; puis, plaçant son bras devant sa bouche et le balançant comme une trompe, pour représenter l’éléphant, il le leva tout droit par-dessus la tête et fit entendre une espèce de cri strident ; ensuite il marcha comme l’autruche sur la pointe du pied, et, prosterné humblement dans la poussière, il se mit à pleurer comme un enfant. Dans les entr’actes, il racontait les exploits et les prouesses de son maître à si haute voix, qu’il en faisait retentir les échos. Cet athlétique sauvage, haut de six pieds anglais, nu comme au jour ou il était né, surexcité par cette pantomime violente, s’arrêta enfin, la bouche contournée et inondée d’écume, le corps ruisselant de sueur, les yeux étincelans. »

Nous ne dirons rien des grands personnages qui successivement vinrent au-devant de la caravane, ni même du page Mohanycom, chargé d’apporter les félicitations du monarque ; leur mission était de faire l’inventaire de tous les objets contenus dans les chariots, et d’en donner le détail à leur maître, qui, mourant d’envie de voir par ses yeux les belles choses destinées à lui être offertes, ne tarda pas à se montrer. À mesure qu’il avançait, les chefs de sa suite poussaient un grand cri et brandissaient leurs épieux ; suivait une troupe de femmes, la calebasse de bière sur la tête ; deux hérauts, sautant, caracolant, chargeant la foule avec leurs courts bâtons, hurlaient tous les glorieux titres du souverain, et, sur sa route, le peuple répétait : Haiyah ! Haiyah ! L’expression du despote, singulièrement pénétrante, vive, défiante, n’était pas trop désagréable ; il est grand, bien tourné, agile, quoique déjà d’un certain embonpoint ; la dignité de ses manières, la justesse de ses questions, la finesse de son regard scrutateur guettant les réponses, tout dénote en lui l’homme supérieur aux barbares qu’il domine de toute sa hauteur. Trois plumes vertes de perroquet placées sur la tête (deux en avant et une en arrière), un seul rang de petits grains de verre bleu passés au cou, voilà tous ses ornemens royaux ; il est nu, sauf la ceinture, devant et derrière laquelle pendent deux queues de léopard. Pour s’entendre, il fallut trois interprètes, qui faisaient passer les paroles des interlocuteurs d’abord en bechuana, puis en hollandais, puis en anglais, et vice versa.

Les présens furent placés devant Moselekatse par le Parsi, et le