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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/235

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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

chuanas décimées par le lieutenant de Moselekatse. Ces pauvres gens, assis devant leurs huttes, ne répondaient à aucun appel, à aucune avance, pas même à celle d’une tabatière ouverte et tendue vers eux. Souvent même ils paraissaient si misérables, que les chasseurs, en passant, leur tuaient un buffle, un rhinocéros, qu’ils laissaient sur place afin qu’ils pussent s’en repaître. Ce qui inquiétait les Bechuanas, c’était l’escorte de Matabilis toujours présente, parce que la caravane rentrait dans les limites du territoire de Moselekatse, et ce fut même avec un des chefs que se traita en dernier ressort la grande question du retour par la Vaal. Le seul évènement qui marqua le voyage jusqu’à cette rivière fut la découverte d’une nouvelle espèce d’antelope du sous-genre aigoceros ; les bois de cet antelope sont plats, hauts de trois pieds, et retombent gracieusement sur le dos en forme de croissant.

Le 16 décembre, il fallut dire adieu « à ces forêts enchanteresses de Kashan, » quitter « ce paradis du sportsman, » et rentrer dans le désert, où l’eau est rare, où l’œil n’a plus pour se reposer la verdure des arbres et de la plaine. L’escorte des Matabilis, chargée de quelques nouveaux présens pour le souverain, le grand éléphant Moselekatse, prit le chemin de Mosega ; les Anglais firent route au nord, tirant çà et là quelques élans, traversant ruisseaux et fondrières, rencontrant de loin en loin et à de grandes distances des sauvages de la tribu indépendante des Barapootsis, établis aux sources de la Vaal. L’arrivée aux bords de cette rivière fut saluée par les Hottentots à grands coups de fouet, et telle était la soif des bœufs, qu’ils trottèrent en sentant l’eau ; les hippopotames se baignaient joyeusement dans cette rivière, plongeant comme des loutres.

Pareille au Kichna, qui, prenant sa source à vingt lieues du rivage malabar, va se jeter dans le golfe du Bengale, la Vaal part de derrière Delagoa-Bay, à 3 degrés ouest de ce port. « Joignant le cours principal du Great-Orange, dont elle est un des bras, à 250 milles géographiques au-dessous du confluent de la Chonapas, elle traverse de l’est à l’ouest le continent africain comme une grande artère, et se décharge dans l’Atlantique. » Désormais le pays à parcourir jusqu’à la colonie était complètement inexploré ; les lions et les sauvages inquiétaient la marche de la petite troupe déjà bien diminuée, quant au bétail, par la perte d’un bœuf et la consommation journalière que les hommes et les animaux de la plaine faisaient des maigres brebis achetées à Somerset ; le capitaine lui-même souffrait d’une chute sur les pierres ; les chariots, à demi disloqués et chargés de