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naires de la science ; la philosophie moderne, en la suivant d’abord, n’a donc point erré à l’aventure ; elle obéissait à un instinct qui ne la trompait pas ; elle commençait par le vrai commencement ; elle procédait comme il faut pour arriver à l’idée de Dieu. C’était la préface de la science ; elle a cru posséder toute la philosophie ; c’est là son erreur. La méthode logique, légitime à sa place, devient fausse en devenant exclusive. Il fallait du reste l’abus qu’on en a fait pour en connaître la juste portée, pour savoir ce qu’elle donne et ce qu’elle refuse, pour la bien employer désormais. Elle a livré tous ses aveux ; on a d’elle une complète expérience.

L’histoire de la pensée européenne se divise, d’après ce point de vue, en deux époques. De Descartes à Hégel, la philosophie remonte à Dieu pour atteindre son idée. Il lui reste maintenant à redescendre de Dieu au monde, à faire l’histoire de l’univers : c’est la vraie et définitive science, puisque seule elle fait connaître les choses dans leur ordre véritable et reproduit une image fidèle de la réalité ; l’autre science ne fait que la préparer. La philosophie moderne, jusqu’à ce jour, n’est donc que l’introduction du vaste système que l’esprit humain se compose dans le cours de ses méditations séculaires. L’ancienne philosophie de M. Schelling sert pareillement d’avenue à son nouveau système : il ne la renie pas, il la complète et la corrige ainsi.

M. Schelling développe ces idées dans son cours d’introduction ; il y formule nettement l’expérience que trois siècles nous ont donnée de la logique ; il montre qu’il faut se résoudre au panthéisme ou associer à la raison un autre principe de connaissance, l’expérience. C’est beaucoup que d’avoir aussi bien établi la question ; c’est un pas important fait pour la résoudre. M. Schelling prend parti contre la philosophie exclusivement logique. Il n’est pas douteux que l’intelligence n’entre dans cette voie. On ne voudra plus se restreindre à la raison dès qu’on sera convaincu qu’elle nous refuse un Dieu personnel. Mais si, dans la pratique, les résultats d’une philosophie suffisent à déterminer sa valeur, il n’en est plus ainsi dans la science. On ne fait pas une critique décisive d’un système quand on se borne à en signaler ses conséquences, et les autres raisons que donne M. Schelling contre la philosophie logique ne sont guère solides.

Il parle du vœu de l’intelligence. Ne serait-ce pas celui du sentiment ou de l’imagination plutôt que celui de la pensée, et, dans tous les cas, préférence individuelle et sujette à varier ? Il atteste le consentement de l’humanité. Le christianisme seul admet un Dieu personnel et une création libre. L’islamisme annonce un Dieu personnel,