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REVUE. — CHRONIQUE.

dû s’affliger du silence que le discours de la couronne a gardé sur la colonisation africaine.

M. le ministre des finances a présenté le budget pour l’année 1844. Il ne faut pas y chercher de vastes conceptions, des idées nouvelles, mais le travail d’un esprit sage, prévoyant, d’un administrateur intelligent et loyal, qui ne s’est point trompé dans ses prévisions, et dont la prudence n’est pas sans quelque hardiesse. Si rien d’imprévu, de grave, ne vient déranger les combinaisons du ministre, la France, dans très peu d’années, aura soldé son arriéré, accompli d’immenses travaux productifs, établi l’équilibre dans son budget sans rien ajouter à ses impôts, et tout en élevant la dépense au niveau des nouveaux besoins du pays. La prospérité générale a résolu ce beau problème, et cette prospérité, par la force des choses, doit se développer dans des proportions de plus en plus larges. Nous le pouvons dire avec un juste orgueil : les finances françaises sont les premières finances de l’Europe.

Il ne faut pas en juger d’après le taux des fonds publics. Ce taux n’est pas ce qu’il devrait être, et il ne serait pas difficile d’énumérer les causes diverses qui en retardent le mouvement ascendant. Nous ne voulons aujourd’hui en signaler qu’une seule : c’est la situation d’un de nos principaux fonds publics, le 5 pour 100. Pourquoi n’est-il pas à 130 ou 135 ? Parce qu’il se trouve dans une fausse situation. Il s’élève au-dessus de 100 parce que les acheteurs espèrent qu’il ne sera pas remboursé. Il ne s’élève pas comme il pourrait et il devrait s’élever, entre autres raisons, parce que cette espérance est toujours contrebalancée en partie par la crainte du remboursement. Sans doute plus le taux du fonds s’élève, plus le remboursement devient difficile ; l’équité protège tous les jours davantage les acquéreurs, et fait taire le droit. Toujours est-il que le droit existe et qu’il pourrait être appliqué. C’est là une situation dont le gouvernement devrait s’occuper sérieusement, car elle nous coûte cher. Le 5 pour 100, et par sa masse, et par la lenteur de sa marche, comprime le 3 pour 100, ainsi que tous les autres effets publics : d’où il suit, entre autres conséquences, que toutes les fois que l’état doit recourir au crédit, cette situation lui coûte plusieurs millions, Il place à 4 et à 3 et 1/2 les bons du trésor qu’il pourrait placer à 3 et 1/2 et à 3. Il emprunte en 3 pour 100 à 75, à 78, au lieu d’emprunter à 85. Puisque l’état ne veut ou ne peut rembourser le 5 pour 100, mieux vaudrait déclarer par une loi qu’il n’est pas rachetable. De toutes les positions, l’incertitude est la plus fâcheuse et pour le trésor public et pour les particuliers.

Le ministère doit informer les chambres de ce qu’il a fait pour l’exécution de la grande loi sur les chemins de fer. Ceux qui n’ont voté la loi que parce qu’une disposition intercalée autorisait le gouvernement à profiter du concours des compagnies particulières, non-seulement pour la pose des rails et l’exploitation, mais aussi pour la construction du chemin, ceux-là demanderont au gouvernement quel usage il a su faire de cette disposition, quels encoura-