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Elle reste rarement long-temps au service des mêmes personnes. Ou elle commet un délit, pour lequel on la rend au gouvernement, ou bien elle devient enceinte, et se fait renvoyer à l’atelier (factory), où elle reste enfermée aux frais de l’état. À l’expiration de sa retraite ou de son emprisonnement, elle est engagée de nouveau (reassigned), et recommence le même train de vie.

« On comprend sans peine la pernicieuse influence que doit exercer sur le caractère de la génération naissante l’usage de placer les enfans des planteurs, dès leur bas âge, sous la garde de ces misérables. Plusieurs colons ont refusé de recevoir des femmes déportées en qualité de domestiques, et ont préféré s’adresser à des hommes pour les services que les femmes seules ont en Europe dans leurs attributions. Néanmoins, un grand nombre de condamnées sont employées par des colons de la classe la plus vile, qui les font notoirement servir au métier de prostituées. »

Ainsi, l’esclavage temporaire auquel on soumet les déportés, en les plaçant dans les familles des planteurs, soit au sein des villes, soit au milieu des plaines de l’Australie, n’est rien moins qu’un système propre à réformer leurs penchans dépravés. Ceux que le gouvernement se charge lui-même d’occuper et de surveiller sont-ils dans une voie plus favorable à l’amendement moral ? On en jugera par quelques faits.

Le gouvernement emploie les condamnés à construire ou à réparer les routes, et va même chercher parmi eux des recrues pour l’administration. En 1835, sur 14,903 condamnés que renfermait la terre de Van-Diemen, 516 étaient attachés au génie civil, 716 au génie maritime, et 318 à la police en qualité de constables. Les malfaiteurs devenus magistrats de la police judiciaire, voilà un trait qui peint les colonies pénales et la société qui en est sortie ! Qui s’étonnerait ensuite de lire, dans le rapport de la chambre des communes, que cette police « se laisse corrompre, qu’elle favorise les malfaiteurs, qu’elle accuse des innocens et dérobe les coupables à la justice, qu’elle insulte les femmes qu’on lui donne à garder, en un mot qu’elle déjoue tous les efforts du gouvernement pour prévenir ou pour réprimer le crime ? »

Les condamnés qui travaillent par escouades (road-parties) à la réparation des routes, ont certainement une existence plus pénible que celle des assignés. Il est dur de casser des pierres, de déblayer ou de terrasser neuf heures par jour, sous un soleil brûlant ; mais les condamnés savent alléger leur tâche par la mollesse qu’ils mettent à