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DISCOURS PARLEMENTAIRES.

mesures répressives de la presse. Il ne faut pas chercher dans ces discours ces vastes aperçus, ces idées générales qui d’un coup illuminent un sujet : quand même le genre d’esprit qui distingue M. Pasquier ne les lui interdirait pas, sa prudence suffirait pour l’éloigner de ces pensées trop complètes qui ont le tort d’engager un homme, de le compromettre. Ce que M. Pasquier défend, c’est le fait actuel ; ce qui inspire toujours M. Pasquier, c’est la circonstance. Ne lui demandez pas de maximes absolues, n’attendez pas que de sa bouche tombe jamais un axiome ; mais il vous donnera d’utiles leçons d’empirisme politique. C’est dire assez que les personnes avides d’émotions oratoires trouveront bien languissante l’éloquence que nous cherchons ici à caractériser. M. Pasquier ne s’échauffe pas. À la passion il ne répond point par la passion, mais par une modération presque méticuleuse : toujours occupé à ne pas paraître trop libéral aux royalistes, et trop royaliste aux libéraux, il ne se propose pas d’électriser les esprits, mais au contraire d’en amortir les ardeurs, en leur opposant une parole calculée qui marche à son but par d’habiles détours et une froide abondance.

Dans les cabinets où M. Pasquier a occupé un siége, il a eu une importance réelle, et toutefois secondaire. Collègue de M. le duc Decazes et du duc de Richelieu, il fut primé par l’un et l’autre tant dans la confiance du roi qu’en autorité sur les chambres et sur l’opinion. Louis XVIII avait cependant pour ses lumières une haute estime, et il lisait avec intérêt les mémoires, que M. Pasquier lui soumettait de temps à autre sur la situation ; mais ses antécédens bonapartistes, que lui reprochaient sans cesse les royalistes, semblaient un obstacle à ce qu’il exerçât une influence principale. Si nous nous trompons, si la part de pouvoir échue à M. Pasquier a été plus grande que nous ne la faisons ici, ses Mémoires nous l’apprendront un jour. Les discours qu’il vient de rassembler sont, dans la pensée de M. le chancelier, le complément nécessaire de quelques écrits dont la publication ne sera pas jugée indigne d’attention par ceux qui aiment à pénétrer dans le fond des affaires humaines. Si, dans cette annonce, M. Pasquier ne s’est pas fait illusion à lui-même, nous pouvons espérer des révélations curieuses, nécessaires au surplus à la consistance de sa réputation politique. À défaut du rang de premier ministre et d’éclatant orateur, M. Pasquier doit vouloir s’assurer dans l’histoire contemporaine la place notable d’un homme tenu en haute considération par les divers gouvernemens qu’il a servis, d’un