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REVUE LITTÉRAIRE
DE L’ALLEMAGNE.

On serait dans une grande erreur si, en essayant de caractériser le mouvement intellectuel et les mœurs littéraires d’outre-Rhin, on osait espérer de satisfaire aux exigences de l’Allemagne. Depuis que la nation allemande, entraînée, par le génie de quelques grands hommes, hors de ses habitudes et de son docile instinct d’imitation, a vécu de sa propre vie pendant environ un demi-siècle, et répandu çà et là ses œuvres de poésie et d’érudition, c’en est fait de cette modeste nature de caractère que nous louons encore par tradition, que nous trouvons bien encore dans certains cercles d’honnêtes familles, garantis par une grace providentielle de la contagion, mais dont on ne reconnaît plus la moindre trace parmi les jeunes écrivains qui aujourd’hui dissertent dans six cents journaux et inondent de leurs productions la foire de Leipzig. Un étrange orgueil a saisi le cœur de ce peuple, qui jadis chantait si doucement ses chants de Minnesinger et ses ballades. Ce n’est plus ce grave et laborieux disciple qui, dans son ardente curiosité, interrogeait tour à tour le monde ancien et le monde moderne. C’est Pygmalion se passionnant pour l’œuvre de ses mains, c’est Narcisse absorbé dans la contemplation de sa beauté.

Il n’est plus permis aux étrangers de juger cet heureux pays, et aux Français moins qu’à tous autres. Ces légers Français, disent les docteurs d’Allemagne en affectant un air de grave supériorité, et par cette épithète ils