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feuilles au bout de cette colonne cannelée rayonne si splendidement dans le lapis-lazuli d’un ciel oriental ! ce tronc écaillé, mince comme s’il était serré dans un corset, rappelle si bien la taille d’une jeune fille ; son port est si majestueux, si élégant ! Le palmier et le laurier-rose sont mes arbres favoris ; la vue du palmier et du laurier-rose me cause une joie, une gaieté étonnante. Il me semble que l’on ne peut pas être malheureux à leur ombrage !

La place des Taureaux de Cadix n’a pas de tablas continues. D’espace en espace sont disposés des espèces de paravens de bois derrière lesquels se retirent les toreros trop vivement poursuivis. Cette disposition nous paraît offrir moins de sûreté. L’on nous fit remarquer les logettes qui contiennent les taureaux pendant la course ; ce sont des espèces de cage en grosses poutres, fermées d’une porte qui se lève comme une vanne de moulin ou une bonde d’étang. Pour exciter leur rage, on les harcèle avec des pointes, on les frotte d’acide nitrique ; enfin on cherche tous les moyens de leur envenimer le caractère. À cause des chaleurs excessives, les courses étaient suspendues ; un acrobate français avait disposé au milieu du cirque ses tréteaux et sa corde pour le spectacle du lendemain. — C’est dans cette place que lord Byron a vu la course dont il donne, au premier chant du Pèlerinage de Childe-Harold, une description poétique, mais qui ne fait pas grand honneur à ses connaissances en tauromachie.

Cadix est serrée par une étroite ceinture de remparts qui lui étreignent la taille comme un corset de granit ; une seconde ceinture d’écueils et de rochers la met à l’abri des assauts des vagues, et pourtant, il y a quelques années, une tempête effroyable creva et renversa en plusieurs endroits ces formidables murailles qui ont plus de vingt pieds d’épaisseur, et dont des tranches immenses gisent encore çà et là le long du rivage. Sur les glacis de ces remparts, garnis de distance en distance de guérites de pierre, on peut faire en se promenant le tour de la ville, dont une seule porte donne du côté de la terre ferme, et dans la pleine mer ou dans la rade voir aller, venir, décrire des courbes gracieuses, se croiser, changer de bordée et se jouer comme des albatros, les canots, les felouques, les balancelles, les bateaux pêcheurs, qui ne semblent plus au bord de l’horizon que des plumes de colombe emportées dans le ciel par une folle brise ; plusieurs de ces barques, comme les anciennes galères grecques, ont à la proue, de chaque côté du taille-mer, deux grands yeux peints de couleurs naturelles, qui semblent veiller à la marche et donnent à