Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/681

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
675
JOURNAL D’UN PRISONNIER DANS L’AFGHANISTAN.

taient soudainement Caboul, et allaient prendre possession d’un fort situé dans le défilé du Kourd-Caboul, à environ dix milles de la ville. La communication avec l’Inde se trouvant ainsi coupée, le général Elphinstone envoya le général Sale avec une brigade pour rétablir le passage, et aller prendre position à Jellalabad, de l’autre côté des montagnes. Ce fut cette expédition qui donna la mesure des dangers que courait l’armée d’occupation. La brigade eut à traverser des défilés dont les bords s’élevaient à cinq ou six cents pieds et qui avaient plusieurs milles de long. Nous ne reviendrons pas ici sur cette expédition dont nous avons déjà parlé antérieurement ; qu’il suffise de rappeler que ce fut plus tard le général Sale qui, en refusant de rendre Jellalabad et en maintenant sa position sur la frontière, conserva aux Anglais l’entrée du pays.

Cependant, à Caboul même, peu de temps avant ces actes de rébellion ouverte, la population avait manifesté par plusieurs signes sa haine contre les Anglais. Des officiers avaient été insultés, deux Européens avaient été assassinés. Chose singulière ! le jour où la brigade du général Sale avait été attaquée, les assaillans se composaient en grande partie des gens des chefs afghans qui demeuraient à Caboul. On les avait vus sortir le matin et rentrer le soir, et, bien qu’ils eussent à traverser les postes anglais, on n’avait tenté ni de les arrêter ni de les punir.

Les deux principaux chefs de cette première insurrection étaient Amenoulah-Khan et Abdoulah-Khan, deux hommes de très grande influence. Le premier était fils d’un conducteur de chameaux et avait acquis par ses talens une autorité considérable. Il pouvait mettre dix mille hommes en campagne. On raconte du dernier l’anecdote suivante. Pour se défaire d’un frère aîné, il le fit enterrer vif jusqu’au menton, ensuite il lui fit mettre une corde autour du cou, et attacha à cette corde un cheval sauvage. L’animal, fouetté jusqu’au sang, tourna dans ce cercle terrible jusqu’à ce qu’il eût tordu et enlevé la tête de la victime. Tels étaient les hommes avec lesquels les Anglais allaient se trouver aux prises.

Ce fut le 2 novembre 1841 que la révolte générale éclata dans la capitale de l’Afghanistan.

« Ce matin, de bonne heure, dit M. Eyre, nous avons reçu de la ville l’alarmante nouvelle qu’une révolte populaire avait éclaté, que toutes les boutiques étaient fermées, et qu’on avait fait une attaque générale sur les maisons des officiers anglais résidant à Caboul. » Au nombre de ces officiers était, comme nous le savons déjà, Alexan-