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LA FLORIDE.

miers, les ilex, les sassafras, les catalpas, entrelacent leurs branches à celles du magnolia, dont les pétales, d’un blanc de lait, répandent au loin leurs émanations suaves. Partout les corolles de l’azalea, semblables à autant de papillons, rivalisent avec les bouquets écarlates du sumac. Au milieu de ces arbres aux branches robustes, les palmiers balancent leurs sveltes colonnes et leurs larges feuilles fendues en éventail. Les cactus, les yukas, disputent le sol aux orangers couverts de fruits et de fleurs. Des lianes, des vignes sauvages, dont le tronc a quelquefois un pied de diamètre, relient ensemble ces enfans de la forêt, courent de l’un à l’autre en guirlandes verdoyantes, et, soutenant d’épaisses charmilles de clématites, de convolvulus, forment des pilastres isolés, des colonnades sans fin, des cabinets, de longues voûtes, de hautes salles de verdure où ne pénètrent jamais les rayons du soleil. Sous ces lambris naturels, des plantes plus modestes se déploient comme un tapis aux mille teintes. La perfide dionée étale ses feuilles hérissées de poils en épines, et qui, se repliant brusquement au moindre contact, percent de cent coups de poignard l’insecte assez imprudent pour s’y reposer. À côté d’elle, la sarracénie dresse sa noble fleur d’un jaune d’or et ses feuilles roulées en cornet où se dépose près d’un litre de rosée, boisson toujours fraîche que la nature semble préparer d’avance pour étancher la soif du voyageur.

Sur ces arbres, sur ces pelouses voltigent et s’ébattent des myriades d’oiseaux au brillant plumage. Le dindon sauvage aux riches reflets cuivrés peuple les forêts. Des vols de troupiales, de tourterelles, de perruches aux couleurs tranchantes, fourmillent sur tous les buissons. Plusieurs espèces d’oiseaux-mouches, voltigeant d’une fleur à l’autre, semblent vouloir lutter d’éclat avec elles et avec les grands papillons qui leur en disputent les sucs parfumés. Le long des rivières, sur les lacs, sur les étangs, aux nombreuses tribus des canards se mêlent le pélican au large goître et le cormoran des Florides : des aigrettes plus blanches que la neige, des échassiers aux teintes sombres, piétinent sur les rivages ; au milieu d’eux, le flammant aux longues jambes, au cou plus long encore, promène son plumage rosé. Pendant que l’oiseau-moqueur répète tour à tour les chants, les cris de ces races emplumées, deux espèces de vautours et l’aigle à tête blanche planent lentement sur leurs têtes, les premiers cherchant à découvrir quelque cadavre pour satisfaire leur sale appétit, le second guettant de l’œil le héron immobile sur une pierre à fleur d’eau. Aussitôt que le patient échassier est parvenu à saisir un poisson, notre brigand fond sur lui