Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/770

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
764
REVUE DES DEUX MONDES.

dont Garcilasso de la Véga fait à diverses reprises le plus grand éloge. Dans les guerres qui éclataient entre eux, les Floridiens faisaient des prisonniers qu’ils échangeaient plus tard ou réduisaient en esclavage. Ils ignoraient la coutume barbare et si générale parmi les Caraïbes, de faire périr dans les tourmens tout ennemi pris les armes à la main.

Ces peuples connaissaient quelques métaux et l’art de les travailler. L’extrémité des lances ou des flèches était souvent armée d’une pointe de cuivre. À la fois chasseurs et agriculteurs, ils avaient défriché de grandes étendues de terrain où ils cultivaient principalement le maïs. De véritables avenues d’arbres à fruits ornaient l’entrée de leurs villages et de leurs villes. Celles-ci étaient parfois considérables et protégées par un système régulier de fortifications. La ville de Mauvila, où la petite armée de Soto faillit être détruite, était entourée d’un mur épais formé de troncs d’arbres cimentés par un mélange de paille et d’argile. De cinquante en cinquante pas s’élevaient des tours crénelées, et deux portes seulement s’ouvraient dans la campagne. Ces premiers habitans de la Floride adoraient la lune et le soleil ; chaque année, dans une cérémonie publique, les jeunes femmes consacraient leur premier-né à ce dernier astre. Leurs temples étaient de vastes édifices. Celui de Tolomaco, dont Garcilasso nous a laissé la description, avait cent pas de long sur quarante de large et une hauteur proportionnée ; de fines nattes en joncs en formaient la toiture. Ces temples étaient à la fois des lieux de sépulture où se conservaient les corps embaumés des caciques, des trésors publics où l’on déposait les perles péchées dans le golfe du Mexique, et des arsenaux remplis d’armes d’une grande richesse.

Ces anciens peuples de la Floride appartenaient sans doute à la race péruvienne. Garcilasso, ce descendant de la race royale des Incas, les appelle ses compatriotes. Contemporain de Soto, ayant connu personnellement plusieurs des compagnons de ce capitaine, et ayant eu lui-même occasion de voir des Floridiens, il ne leur eût pas donné ce titre, s’ils n’avaient appartenu à la grande famille des tribus péruviennes. Mais plus qu’aucune autre partie du monde, l’Amérique a été le théâtre de ces grandes invasions qui remplacent une population entière par une autre. Les Floridiens de Soto n’existent plus depuis long-temps, et au moins deux races distinctes leur ont succédé sur le même sol. La première, dont l’histoire et l’origine sont peu connues, formait encore au commencement du dernier