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LA FLORIDE.

jamais le prisonnier n’était lié au poteau des tortures. Il était seulement regardé comme esclave et partageait en cette qualité le travail des femmes. C’est ainsi que Bartram dit avoir vu un vieux chef de Muscogis servi par des Yamassees faits prisonniers pendant la lutte acharnée des deux peuples. Cette servitude tout individuelle ne se transmettait pas aux descendans : le fils de l’esclave était libre et membre de la tribu.

Telle était la nation des Creeks en 1778, avant d’avoir été décimée par les balles des squatters et démembrée par les actes du congrès américain. Les traits de cette esquisse rapide sont empruntés aux écrits d’un homme qui, pendant deux années entières, a vécu au milieu de ces peuples, recueillant et vérifiant par lui-même les témoignages des trafiquans établis dans ces contrées. On voit que cette race mexicaine, tout en empruntant quelque chose aux populations septentrionales, avait conservé ses caractères propres, et qu’elle possédait tous les élémens d’une civilisation plus avancée. Mais l’Anglo-Américain de nos jours semble s’être donné pour tâche de mener à fin l’œuvre de destruction commencée par les Cortez, les Pizare, les Almagro. À mesure que les États-Unis grandissent, la race caraïbe disparaît. À leur approche, les habitations vastes et commodes groupées en villages populeux font place aux huttes d’écorce perdues au milieu des bois ; le feu mystique s’éteint et n’appelle plus les guerriers dans la salle du conseil ; les nations, les peuplades se dispersent, et les individus isolés tombent sous le fusil des chasseurs, périssent de misère et de faim, ou traînent dans les villes une vie dégradée par des vices empruntés aux Européens. La puissante confédération des Creeks est aujourd’hui dissoute. Après une résistance héroïque, la plupart de ses tribus ont été déportées au-delà du Mississipi. Les Chattaoutchis eux-mêmes, qui de tout temps s’étaient montrés les fidèles alliés des Américains et avaient combattu à côté des planteurs contre leurs frères des forêts, ont été relégués en 1839 dans les déserts de l’Arkansas. Plus clairvoyantes, les tribus méridionales n’ont pas voulu croire aux promesses de ce gouvernement, qui se fait un jeu de violer ses plus sacrés engagemens ; elles sont restées indépendantes, et, sous le nom de Séminoles, luttent encore avec l’énergie du désespoir contre la fatalité qui les poursuit en Floride comme dans l’isthme de Panama, comme sur les rives du Mississipi.

Les Séminoles ont conservé les traits distinctifs de leur race ; ils ont le visage ovale, le nez saillant, les yeux bien fendus, les pommettes très proéminentes, la peau d’un rouge cuivré. Leurs femmes