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LA FLORIDE.

balles ou plus de cinquante mille kilogrammes de coton. Des traités solennels reconnaissaient l’existence de ces peuples comme nations indépendantes, et leur garantissaient leur territoire. Mais la population anglo-américaine est arrivée jusqu’à elles, précédée par ces aventuriers qui lui fraient la route ; les établissemens des Indiens ont été détruits, leurs plantations ravagées, leurs arbres coupés, leur vie menacée. Au lieu d’en appeler à la guerre, ils se sont adressés aux états. Ceux-ci ont répondu par des décrets qui abolissaient leurs lois les plus fondamentales, détruisaient leur hiérarchie, les anéantissaient comme corps de nation, sans offrir au moins en revanche quelques garanties pour la fortune, pour la vie des individus. Alors ils ont eu recours au gouvernement central, et, dans une lettre admirable de noblesse et de simplicité, ils ont présenté au congrès leurs trop justes plaintes. Pour toute réparation, on leur a offert de les transporter dans l’Arkansas.

Le fait que nous rappelons ici n’est point un acte isolé. Il se lie à tout un système adopté par l’Union et suivi avec persévérance. Une loi a décidé qu’on ne tolérerait l’existence d’aucune nation indienne en-deçà du Mississipi. Un M. Bell a présenté au congrès un rapport où il cherche à démontrer que les indigènes n’ont aucun droit à la possession de ces terres qu’ils tiennent de leurs aïeux, et que les Anglo-Américains peuvent les en dépouiller en toute justice. Les conclusions de ce rapport ont été adoptées. En présence de cette négation audacieuse des plus imprescriptibles lois de la nature, on cherche sur quel principe s’appuient le gouvernement, la civilisation, qui proclament de telles doctrines. Et lorsqu’on songe qu’elles sont l’expression d’un sentiment à peu près unanime chez un peuple dont les mille sectes rivalisent de rigorisme ; lorsqu’on voit en même temps l’incendie de Caboul, le massacre des prisonniers afghans commis au chant des psaumes par les enfans de la religieuse Angleterre ; lorsqu’on se rappelle que l’Amérique méridionale a été dépeuplée par la catholique Espagne, et que la destruction des Péruviens commença au signal donné par un prêtre, on se demande avec douleur ce qu’est devenue dans les mains des hommes cette religion que son fondateur résumait en ces termes : Aimez Dieu, aimez le prochain.

Les hommes les plus éminens dont se glorifie l’Union américaine ont, il est vrai, protesté hautement contre ces abus de la force brutale. Irving a flétri dans ses écrits la conduite des pionniers. J. Q. Adams n’a pas craint d’accuser en plein congrès l’odieuse injustice des états