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LES ESCLAVES.
FRAGMENT D’UNE TRAGÉDIE.[1]

TOUSSAINT.

Avancez,
Mes enfans, mes amis, frères d’ignominie !
Vous que hait la nature et que l’homme renie ;
À qui le lait d’un sein par les chaînes meurtri
N’a fait qu’un cœur de fiel dans un corps amaigri ;
Vous, semblables en tout à ce qui fait la bête ;
Reptiles, dont je suis et la main et la tête !
Le moment est venu de piquer aux talons
La race d’oppresseurs qui nous écrase… Allons !
Ils s’avancent ; ils vont, dans leur dédain superbe,
Poser imprudemment leurs pieds blancs sur notre herbe ;
Le jour du jugement se lève entre eux et nous !
Entassez tous les maux qu’ils ont versés sur vous :

  1. M. de Lamartine a bien voulu nous communiquer le fragment qu’on va lire d’une tragédie intitulée les Esclaves, composée il y a quelques années, et que sa position politique ne lui a pas permis de donner encore au Théâtre-Français. C’est le discours de Toussaint-Louverture aux noirs de Saint-Domingue pour les encourager à reconquérir leur liberté.