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pour le genre qui était le sien, pour cette méthode appliquée une fois à une époque particulière qui y prêtait, il demandait place au soleil et admission légitime, et, en homme d’esprit, il a trouvé à ce propos toutes sortes de raisons et de motifs qu’il a déduits ; et il en a su trouver un si grand nombre là même où l’on s’était dit qu’il y avait objection, qu’on a pu croire que les conclusions chez lui dépassaient le but. Il ne voulait, en effet, qu’autoriser auprès du public l’imprévu de son essai, et l’essai, dans ces limites précises a complètement réussi.

On n’attend pas que nous nous engagions dans une analyse ; que nous allions resserrer ce que l’auteur, au contraire, a voulu étendre, que nous décolorions ce qu’il a laissé dans sa fleur de récit. M. de Barante a eu l’honneur, en ce grand mouvement historique qui fait encore le lot le plus clair de notre moderne conquête, d’introduire une variété à lui, un vaste échantillon qu’il ne faudrait sans doute pas transposer à d’autres exemples, mais dont il a su rendre l’exception d’autant plus heureuse en soi et plus piquante. Il a osé lutter avec le roman historique alors dans toute sa fraîcheur et sa gloire, il l’a osé presque sur le même terrain, avec des armes plutôt inégales puisque la fiction lui était interdite, et il n’a pas été vaincu. Son Louis XI, pour la réalité et la vie, a soutenu la concurrence avec Quentin Durward. Si l’on voulait citer des morceaux, on aurait la bataille d’Azincourt, le meurtre de Jean-Sans-Peur, l’épisode de la Pucelle, la rentrée de Charles VII à Paris opposée à celle du roi anglais Henri VI, et tant d’autres pages d’émotion ou de couleur ; mais ce serait faire tort et presque contre-sens à la méthode de l’auteur que de se prendre ainsi à des morceaux là où il a voulu surtout le développement varié et continu. Un critique historique distingué et modeste[1], qui a pu, dans le Globe, entretenir le public jusqu’à six fois, et toujours avec intérêt, des livraisons successives des Ducs de Bourgogne, s’est appliqué à faire ressortir ce qui résultait des divers tableaux en conséquences politiques et en déductions morales sur le caractère des hommes et des temps ; il s’est plu à ajouter au fur et à mesure cette pointe de conclusion que le narrateur précisément se retranchait. À voir combien il y a peu à mettre pour tirer cette conclusion et la faire sentir, on se demande avec le critique pourquoi cette discrétion extrême. Est-ce exagération d’un système absolu dont un homme d’esprit a peine lui-même à se défendre ? N’est-ce pas plutôt

  1. M. Trognon.