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DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN GRÈCE.

quemment leur histoire. M. de Châteaubriand, écrivain, orateur, ministre, prêtait à cette noble cause sa plume, sa parole, ses actes et l’appui de sa gloire.

Les Grecs ont triomphé. À Navarin et en Morée, la France a partagé et assuré leur triomphe. Comment n’y aurait-il pas entre les deux peuples amitié sincère et union constante ? comment ne seraient-ils pas enchaînés l’un à l’autre par ce lien qui subsiste entre deux frères d’armes qui ont combattu côte à côte et vaincu ensemble ? Aussi le nom français est resté populaire en Grèce. La Grèce se défie des Anglais et des Russes, qui ont intérêt à la dominer ; elle aime les Français, qui ont intérêt à ce qu’elle soit indépendante. Ce qu’on appelle en Grèce le parti français n’est pas un parti ; c’est l’opinion nationale, ce sont les meilleurs, les plus fiers et les plus sages patriotes. C’est vers la France que se tournent les regards des hommes désintéressés qui désirent sincèrement que leur pays prospère et s’agrandisse. De son côté, la France aime la Grèce. Elle l’a aidée à naître ; elle suit avec intérêt les premiers pas de cet enfant vigoureux qui est un peu le sien, qu’elle a allaité de son sang, qui étouffe dans les langes étroits taillés avec trop de parcimonie par les avares ciseaux de la diplomatie européenne. Elle voudrait le voir se mouvoir plus à l’aise sous son beau ciel ; elle voudrait et elle doit vouloir qu’un état respectable se fonde entre la Méditerranée, menacée de devenir anglaise, et la mer Noire, devenue Moscovite. Mais quand la France sera-t-elle assez unie pour être forte ? Quand reprendra-t-elle son ancien patronage des états chrétiens de l’Orient ? En attendant cet avenir dans lequel elle s’obstine à espérer, et auquel Dieu nous préserve de renoncer, la Grèce, réduite à elle-même, doit évidemment travailler à développer tout ce qu’il y a d’énergie, d’activité dans ses citoyens, de ressources dans son sol et son climat ; elle doit s’organiser, se fortifier, s’éclairer, s’enrichir, et attendre les évènemens. C’est le parti qu’elle a pris. S’il reste énormément à faire, il faut reconnaître que depuis quinze ans beaucoup de choses ont été faites. D’abord l’ordre a été fondé ; la sécurité règne sur la terre et sur la mer. Ce n’était pas chose facile d’établir une police exacte dans un pays dont les pirates avaient quelque renommée, et qui s’était affranchi surtout par le bras de ses klephtes. Maintenant on navigue sans aucun danger à travers l’archipel. Quant aux klephtes, de peur qu’ils ne continuassent à trop mériter un nom sur lequel leur vaillance venait de jeter tant de gloire, on en a fait des gendarmes, et maintenant il n’y a plus de voleurs en Grèce.