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DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN GRÈCE.

tout d’une existence publique avaient disparu, peu à peu les expressions techniques qui se rapportaient aux arts, aux sciences et à l’état, s’étaient perdues. Si quelques hommes écrivaient encore le grec ancien dans toute sa pureté, ces mêmes hommes étaient pauvres en idées, ils ne traitaient guère que des points de dogme, de morale, de grammaire, de sorte que la langue des sciences, des arts, des métiers, de la guerre, de l’administration, du droit, etc., fut entièrement abolie. Bien plus, le petit nombre d’idées relatives à l’industrie, à l’administration et à l’art militaire, qui restèrent encore familières au pays, furent rendues par des mots turcs hellénisés. Tout à coup, par le fait de la révolution nationale, et encore plus par le retour du repos et de l’ordre public en 1833, se répandit le trésor des idées européennes. Pour ces idées, il fallait en très peu de temps, c’est-à-dire en quelques mois, en quelques jours, ou souvent même en quelques heures, trouver des expressions convenables : or, ceci pouvait se faire de deux manières, soit en prenant dans l’ancienne langue grecque des expressions déjà existantes et en les appliquant à l’usage vulgaire, soit en créant des termes convenables suivant les analogies de cette langue. Le premier pas dans cette voie fut de rendre leurs anciens noms helléniques à toutes les localités et provinces de la Grèce qui les avaient perdus, puis vinrent les traductions des quatre codes composés par M. de Maurer, du code civil français et du code de commerce, et encore la rédaction en grec de plusieurs ordonnances touchant les communes, la gendarmerie, la marine, etc. ; par-là la langue vivante fut enrichie d’emprunts de toute nature faits au grec ancien. Après la création de l’Université, plusieurs professeurs (notamment le savant docteur Philippos) contribuèrent puissamment, chacun dans sa spécialité scientifique, au développement progressif de la langue. Enfin il fut possible à trois hommes aussi capables qu’ils étaient actifs, Al. Rhangavis, Samurkassis et H. Levadeus, de recueillir dans un dictionnaire toutes ces nouvelles richesses de l’idiome régénéré et d’y ajouter encore.

La modestie de M. Schinas l’a empêché de rappeler, dans son discours, que lui-même est un de ceux qui ont concouru le plus puissamment à ce résultat. En effet, il a pris la plus grande part aux traductions des codes français, qui ont servi plus que tout le reste à rapprocher le grec moderne du grec antique. M. Schinas exprime avec énergie l’espérance de voir ce progrès devenir chaque