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Le ministre de l’intérieur, sir James Graham, a donc proposé une mesure spéciale pour l’éducation des enfans employés dans les manufactures. D’après son plan, plusieurs paroisses s’uniraient pour établir des écoles de district, auxquelles seraient admis les orphelins et les enfans pauvres. Ces écoles seraient entretenues pour un tiers par des contributions volontaires ; et pour les deux autres tiers par une taxe de 3 d. par livre sterling. Elles seraient administrées par un conseil de sept personnes, composé du ministre et de deux administrateurs de la paroisse, et de quatre autres personnes nommées par le magistrat. Ce conseil nommerait l’instituteur, dont le choix serait soumis à l’approbation de l’évêque. À chaque école serait annexée une chapelle, avec un membre du clergé anglican chargé de l’instruction religieuse des enfans.

La partie de ce plan qui a le plus immédiatement attiré l’attention est, comme on le pense bien, celle qui concerne l’instruction religieuse, et ici nous retrouvons encore une preuve de l’influence irrésistible que l’église, en Angleterre, exerce sur le gouvernement. Sir James Graham avait d’abord introduit dans la mesure qu’il présentait le principe de l’égalité religieuse, et il avait déclaré que pendant que les enfans élevés dans le sein de l’église établie recevraient l’enseignement du ministre de leur culte, les enfans des dissidens recevraient séparément l’instruction religieuse de leurs ministres, de quelque dénomination qu’ils fussent. De cette manière, disait-il, il n’y aurait à craindre aucune tentative de prosélytisme.

En France, de pareilles idées eussent paru très justes et très raisonnables ; en Angleterre, elles n’étaient rien moins qu’une hérésie, surtout dans la bouche d’un ministre. Le représentant du parti ecclésiastique et de l’université d’Oxford, sir Robert Inglis, se leva et dit : « Je ne voudrais pas troubler l’harmonie qui paraît régner dans la chambre ; mais enfin il y a quelque chose de plus important que l’harmonie, c’est la vérité. Le ministre de l’intérieur se vante de ne pas faire du prosélytisme ; mais, si je comprends bien le sens chrétien attaché à ce mot, il signifie les efforts que nous faisons pour inculquer à autrui les principes que nous croyons être identiques avec la vérité ; et, quant à moi, je ne puis considérer comme vraiment national un système d’éducation qui répudie un sentiment aussi essentiellement chrétien que le désir de propager la vraie religion. »

Nous avons vu récemment, à propos d’une proclamation plus qu’originale de lord Ellenborough, le gouvernement anglais reculer devant les susceptibilités de l’opinion religieuse ; ici nous le voyons encore céder aux menaces du parti de l’église. Le principe de l’égalité des cultes devant l’état a été abandonné, et le ministre de l’intérieur a présenté son bill sous une forme nouvelle. D’après les dispositions primitives de la mesure, les enfans des dissidens devaient recevoir l’instruction religieuse de leurs ministres dans les écoles de l’état. Cette clause a été modifiée de telle sorte que toute la tolérance de l’état se borne maintenant à ne pas forcer les enfans des dissi-